Dans une salle d’audience bondée, où des proches d’Océane Boyer, 13 ans, assassinée mercredi près de Lachute, s’efforçaient de contenir leur peine et leur colère, François Sénécal a été accusé de meurtre au premier degré, vendredi.

L’homme de 51 ans était un très bon ami de la famille de l’adolescente: Océane, qui le connaissait depuis sa naissance, l’appelait même « mon oncle François ».

L’accusé, menotté, le dos voûté, avait les yeux rivés vers le sol pendant toute la durée de sa comparution, vers midi, au palais de justice de Saint-Jérôme.

La juge Maria Albanese a dû l’interpeller pour qu’il la regarde, afin de s’assurer qu’il comprenait les accusations de meurtre au premier degré déposées contre lui, les plus graves du code criminel.

François Sénécal n’a donc jamais tourné son regard vers les parents d’Océane, Caroline Sarrazin et Francis Boyer, assis au premier rang, à quelques mètres de lui, leurs visages ravagés par le chagrin. Ni vers sa propre fille Alexandra, qui sanglotait bruyamment quand son père a été ramené en détention après sa comparution.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Océane Boyer

La mère de la victime s’est sentie mal à la fin de l’audience: submergée par l’émotion et la colère, elle a dû recevoir l’aide des constables du palais de justice pour reprendre ses esprits avant de quitter la salle de cour, soutenue par des proches.

« Il faut que je sorte dehors », a-t-elle murmuré en quittant les lieux.

« Le pourri, il va payer pour ce qu’il a fait! », a lancé un proche de la famille, après la comparution de Sénécal.

Blessée par un objet contondant

Le corps partiellement dévêtu d’Océane Boyer a été retrouvé mercredi, en matinée, par un passant en bordure d’une voie publique à Brownsburg-Chatham, près de Lachute.

L’adolescente avait été blessée gravement à la tête par un objet contondant.

Elle avait été portée disparue par sa famille en fin d’après-midi mercredi, lorsqu’elle n’était pas rentrée de l’école.

Sénécal a été arrêté par la Sûreté du Québec (SQ) jeudi en début d’après-midi à Montréal.

L’accusé était très «protecteur» avec la victime

La fille de l'accusé, Alexandra Sénécal, était bouleversée par les accusations déposées contre son père. Elle-même connaissait très bien la jeune Océane.

« Je ne sais pas quoi vous dire, a-t-elle déclaré peu après aux journalistes. C’est épouvantable. Mais c’est mon père », a-t-elle dit, à travers ses larmes, en s’adressant aux médias à sa sortie de la salle d’audience.

« Je me demande comment il aurait pu faire ça. Je n’arrive pas à y croire. »

Elle a raconté que son père était démoli quand il a appris la disparition d’Océane, mercredi, et qu’elle l’a consolé du mieux qu’elle a pu.

« Il a pleuré dans mes bras. Il me disait: "Ça se peut pas !". Il a tellement pleuré. Il était perdu, il l’aimait tellement cette petite fille-là. Et elle aussi l’aimait beaucoup. »

Son père avait-il un comportement déplacé en présence de l’adolescente? « Jamais, il était tellement protecteur avec elle », répond la jeune femme de 24 ans.

Océane allait se baigner chez François Sénécal et recevait parfois des cadeaux de lui, révèle Alexandra Sénécal. « Il essayait peut-être de la gâter? », se demande-t-elle.

Elle a aussi raconté être ébranlée par les messages haineux reçus sur les réseaux sociaux, en lien avec les accusations contre son père.

« Visage à deux faces »

Avant de se rendre au palais de justice, la mère d’Océane, Caroline Sarrazin, a publié sur Facebook un message à l’intention de Sénécal.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Les parents d’Océane Boyer: sa mère Caroline Sarrazin (à gauche), et son père Francis Boyer, à leur arrivée au palais de justice de Saint-Jérôme.

« Visage à deux faces. Quand je t’ai annoncé pour Océane, tu t’es mis à pleurer. Tu as même osé me demander de faire des recherches avec toi », a écrit la mère.

Mme Sarrazin a ensuite effacé son message, expliquant qu’il avait été écrit sous le coup de la colère et qu’il fallait penser à la famille de l’accusé.

Vendredi, une quarantaine de personnes se sont déplacées pour soutenir la famille, lors de la comparution de Sénécal, s’étreignant dans les corridors du palais de justice.

Serge Ménard, propriétaire d’un terrain camping où Océane avait passé deux étés, a voulu témoigner à son sujet.

« C’était une petite fille tout à fait dégourdie, pas gênée, sociable. Elle avait toutes les qualités. Je me suis dit: j’aimerais ça qu’elle soit ma fille », a-t-il confié.

Le procureur de la Couronne, Me Steve Baribeau, n’a pas donné de détails sur les circonstances de la mort de l’adolescente. Il a souligné que toute la preuve n’avait pas encore été divulguée à l’avocat de l’accusé, et qu’il attendait notamment des expertises d’ADN.

Sénécal s’est fait interdire d'entrer en communication avec divers membres de la famille d’Océane et des témoins potentiels.

Il demeure détenu et reviendra devant la juge le 4 mars pour la suite des procédures judiciaires.

Psy et zoothérapie à l’école

À l’école secondaire Lavigne, à Lachute, que fréquentait la victime, deux locaux avaient été réservés pour accueillir les élèves et le personnel qui avaient besoin de soutien et voulaient rendre hommage à la jeune fille.

Des psychologues et travailleurs sociaux, ainsi que des chiens pour la zoothérapie, étaient disponibles pour réconforter les jeunes et les adultes ayant côtoyé Océane.

« Les gens sont très affectés par la situation », a indiqué Nadyne Brochu, responsable des communications pour la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord. « Les élèves étaient invités à s’exprimer par écrit en adressant quelques mots à Océane ou à sa famille. »