Un intense et soudain brouillard de neige, puis un « mur » de voitures immobilisées, devant lequel il était impossible de freiner à cause de la chaussée glacée. Des dizaines d’impacts de voitures se tamponnant les unes sur les autres. Des camions lourds réduisant des autos en amas de ferrailles. Des victimes coincées dans leurs véhicules, qui crient « À l’aide ! » en attendant les secours. D’autres qui sortent par les fenêtres ou par le toit ouvrant, dans la poudrerie et le vent glacial.

C’est une scène apocalyptique que décrivent les automobilistes impliqués dans le gigantesque carambolage de 200 véhicules, qui a fait au moins deux morts et une dizaine de blessés graves, mercredi vers 12 h 30 sur l’autoroute 15 Sud, à La Prairie, sur la Rive-Sud de Montréal.

Deux personnes ont perdu la vie quand leur véhicule s’est retrouvé encastré sous un camion-citerne transportant du propane, l’habitacle complètement détruit.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

C’était le camion de Dominic Beauchemin, président du groupe Beauchemin Propane, qui a vu les corps écrasés. Il s’est rendu sur les lieux de l’accident pour aller chercher son chauffeur.

« Si vous voyiez l’état de la voiture », a-t-il soufflé, visiblement ébranlé par la scène. La mort des deux occupants était évidente, selon lui. « Mon chauffeur a un méchant choc nerveux, a-t-il confié. Il a aidé les gens autour. Il n’a plus de voix tellement il a crié pour secourir des gens. Il y en a qui n’ont plus de bras, plus de jambes. »

Intervention délicate

Les corps des deux victimes ont été extirpés de la carcasse de leur véhicule vers 18 h seulement. Leur décès a été constaté sur place. Leur identité n’a pas été dévoilée.

« L’intervention est complexe parce qu’on a un véhicule contenant du diesel qui coule. On doit stabiliser ce véhicule avant de pouvoir le bouger, pour pouvoir procéder par la suite à la désincarcération », a expliqué Marc-André Breton, chef des pompiers de La Prairie, en fin d’après-midi, alors que les secours poursuivaient leur travail.

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Environ 200 véhicules ont été accidentés ou coincés dans l’énorme accident, qui s’étendait sur près d’un kilomètre, en bordure du fleuve. Il a fallu en remorquer 75.

Une dizaine de poids lourds ont été impliqués dans l’accident, ainsi qu’un autobus urbain et un autobus scolaire, rempli d’élèves du secondaire, qui sont heureusement indemnes. Des équipes de la commission scolaire des Grandes-Seigneuries attendaient les jeunes après leur évacuation, a indiqué la responsable des communications Hélène Dumas.

Des témoins bouleversés

Les impacts les plus nombreux se sont produits à deux endroits distincts, sur ce tronçon souvent balayé par de fortes bourrasques de vent et de poudrerie.

Une quarantaine d’automobilistes ont été blessés, dont 24 qui ont été transportés en ambulance vers l’hôpital ; neuf d’entre eux ont de graves blessures.

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Les pompiers ont dû utiliser les pinces de désincarcération pour libérer les passagers coincés dans neuf véhicules.

L’état de certaines voitures, gravement tordues, donnait une idée de l’intensité des impacts et des blessures subies par les occupants.

« Un homme avait tout le devant de sa voiture écrasé sur ses jambes, son pneu était presque sur lui, il était très ensanglanté », témoigne Benoît Daigle, bouleversé, pendant qu’une ambulancière l’examinait. M. Daigle a donné des gants à l’homme pour qu’il se réchauffe en attendant les secours.

Sorti par la fenêtre

Lui-même a été sonné : après s’être retrouvé dans un banc de neige en voulant éviter les voitures arrêtées devant lui, l’arrière de sa camionnette a été embouti par plusieurs véhicules, notamment un camion de recyclage.

Il est sorti par la fenêtre, puisqu’il était coincé entre d’autres véhicules accidentés.

Une ambulancière lui a recommandé de se rendre à l’hôpital, à cause des chocs qu’il a reçus.

Environ 150 personnes, évacuées par autobus des lieux de l’accident, ont été conduites dans un centre communautaire de La Prairie situé tout près.

Là, ils étaient examinés par des ambulanciers paramédicaux, qui ont notamment installé des colliers cervicaux à une dizaine de personnes. Certaines ont été transportées à l’hôpital à partir de cet endroit, en ambulance.

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Dix ambulances ont été mobilisées. Un code orange a été déclenché dans trois hôpitaux à proximité : l’hôpital Charles-Le Moyne, l’hôpital Anna-Laberge et l’hôpital du Haut-Richelieu.

David Bénard-Saumur n’avait qu’une éraflure à un genou, mais il était sous le choc.

« Un gars est venu nous voir, il avait les mains pleines de sang. Il a essayé d’aider un monsieur coincé. Il semblait traumatisé, parce que c’est lui qui avait frappé sa voiture », a raconté le jeune homme, rencontré dans un minibus qui l’amenait vers le centre communautaire.

Panneau emporté par le vent

Selon les informations de Dominic Beauchemin, un panneau de signalisation aurait été emporté par le vent pour s’écraser sur la chaussée. C’est ce qui aurait provoqué le deuxième carambolage, le plus grave, tout juste derrière un premier.

« Mon gars roulait à 65 km/h, a ajouté M. Beauchemin. Tout d’un coup, à cause du vent, il ne voyait plus rien. Ce n’est pas la vitesse qui est en cause, c’est la visibilité. »

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David Bénard-Saumur décrit lui aussi un blizzard subit. « On est rentrés dans un gros nuage de neige, et tout à coup, il y avait un mur de voitures devant nous. J’ai mis les freins, mais ça ne freinait pas, c’était sur la glace noire. J’ai tenté de tourner à droite, mais j’ai frappé une voiture, et j’ai fait un 180 degrés. » Il a expliqué qu’un camion-remorque arrivait directement sur lui. « Heureusement, il a réussi à m’éviter », dit-il.

« Je suis sorti d’une courbe, il y a eu une grosse bourrasque, et j’ai vu des véhicules arrêtés devant moi. On n’a pas pu s’arrêter. Un véhicule m’a frappé en arrière, j’ai frappé un véhicule en avant. Ça a frappé fort, mes coussins gonflables se sont déployés », a raconté François Cartier.

Les secours et les remorqueuses s’activaient sur les lieux encore en fin de journée, mais l’autoroute devait être rouverte à la circulation en fin de soirée.

— Avec la collaboration de Janie Gosselin, La Presse