Clara Wasserstein et Yochonon Lowen sont sortis de l’école sans savoir ce qu’était le fleuve Saint-Laurent. Ces anciens membres d’une communauté hassidique ultraorthodoxe estiment que l’État a failli à son obligation de leur fournir une éducation digne de ce nom : ils réclament au tribunal que le gouvernement du Québec s’engage à assurer un enseignement de qualité à tous les Québécois.

Comme bien d’autres enfants de la communauté juive hassidique Tash de Boisbriand, Clara Wasserstein et Yochonon Lowen ont reçu une éducation religieuse, chapeautée par la communauté, dans les années 80 et 90. Ils n’ont donc pas de diplôme d’études primaires ni de diplôme d’études secondaires.

Le couple, qui était présent au palais de justice de Montréal lundi, allègue que le gouvernement a violé son droit à l’éducation.

Ils avancent que la majorité du temps d’instruction qu’ils ont reçu était consacré aux études religieuses et qu’ils n’ont jamais eu de cours d’histoire, de géographie, d’arts ou de sciences. La langue d’enseignement était le yiddish. 

Yochonon Lowen n’a même jamais eu un seul cours de français.

Lorsqu’ils ont quitté la communauté hassidique Tash en 2010, leur instruction était fort limitée. « Ils ne savaient alors pas parler le français et n’avaient que des notions rudimentaires d’anglais. Ils n’avaient aucune connaissance scientifique moderne ni de notions de géographie et d’histoire, outre celle liée à l’histoire du peuple juif », est-il écrit dans la requête déposée par leurs avocats.

En 2016, ces parents de quatre enfants étaient bénéficiaires du régime d’aide sociale. Ils allèguent qu’il est aujourd’hui difficile pour eux de s’intégrer dans la société québécoise à cause de leur manque d’éducation.

Au départ, ils souhaitaient réclamer 1,2 million de dollars en dommages. Mais le couple ne veut finalement pas d’argent. 

Dans la requête en jugement déclaratoire déposée en 2016, qui vise notamment le gouvernement du Québec, une commission scolaire et des établissements d’éducation, ils expriment plutôt le souhait que le gouvernement s’engage à assurer un enseignement de qualité pour tous les Québécois. D’autant que le couple affirme que la situation est la même aujourd’hui que dans les années 80 et 90, ce que nient des membres de la communauté hassidique.

Négligence éducative

Le premier témoin appelé à la barre lundi matin était Marie-Josée Bernier, chef de service à la direction de la protection de jeunesse (DPJ) des Laurentides. Elle a raconté qu’en 2014, elle avait reçu un signalement pour « négligence éducative » pour les deux écoles pour filles de la communauté hassidique Tash.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Marie-Josée Bernier, chef de service à la DPJ

Ce signalement n’a pas été retenu, puisqu’une évaluation orchestrée par la DPJ a démontré que les filles n’accusaient pas de retard dans leur développement.

Par contre, du côté des garçons, la DPJ a constaté qu’ils « ne recevaient pas le minimum requis ». Pendant deux ans, la DPJ a travaillé de près avec les écoles pour garçons pour s’assurer que la situation s’améliorait.

« Dans l’ensemble, la situation a été corrigée », a dit Marie-Josée Bernier devant le tribunal. « La communauté a participé et a fait en sorte que la situation se régularise », a-t-elle ajouté.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Abraham Ekstein, président de l’Association éducative juive pour l’enseignement à la maison

Abraham Ekstein, président de l’Association éducative juive pour l’enseignement à la maison, devrait témoigner la semaine prochaine. À la sortie du tribunal, il a quand même pris le temps de mentionner qu’il « n’y a plus d’écoles juives illégales » depuis l’adoption de la loi 144, qui garantit à tous les enfants une éducation de qualité.

Il a reconnu que des communautés ont « eu des difficultés », mais que c’était chose du passé. « Je peux vous affirmer que tous les enfants hassidiques sur le territoire québécois respectent la loi », a soutenu M. Ekstein.

Les audiences se poursuivent ce mardi au palais de justice de Montréal.