(Québec) Les organisateurs de la troisième commémoration de l’attentat contre la grande mosquée de Québec estiment que l’islamophobie existe au Québec et qu’il faut la combattre.

C’est le message qu’a martelé en point de presse Sébastien Bouchard, du Collectif citoyen « 29 janvier, je me souviens », mercredi, quelques heures avant le souper commémoratif qui aura lieu à l’église Saint-Mathieu, à Québec.

Le soir du 29 janvier 2017, Mamadou Tanou Barry, Ibrahima Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Azzeddine Soufiane et Aboubaker Thabti ont perdu la vie lors de l’attentat. Ils ont laissé derrière eux leurs femmes et 17 orphelins.

« Malheureusement, le 29 janvier s’inscrit dans un phénomène qui est plus large qui est l’islamophobie, a déclaré M. Bouchard lors de la conférence de presse au Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), qui a été le théâtre du carnage. Ça doit être su et dénoncé. »

Selon lui, plusieurs musulmans québécois ont été « agressés » dans le passé, et ils continuent d’être visés sur les médias sociaux, où ils sont victimes d’un déferlement de haine inouï.

« Certains chroniqueurs mènent au dénigrement des personnes musulmanes », a-t-il poursuivi, en écorchant au passage certains animateurs-radio de Québec, ainsi que les « groupuscules néo-nazis » qui « se promènent dans les rues » et tiennent des propos racistes.

Assise à ses côtés, Maryam Bessiri affirme que l’émotion ressentie tout de suite après la tuerie a maintenant laissé la place à la réflexion. Celle-ci prend rapidement une tournure politique.

L’an dernier, le premier ministre François Legault a soutenu qu’il n’y avait pas d’islamophobie au Québec et a refusé de s’excuser devant le tollé suscité.

Selon le président du CCIQ, Boufeldja Benabdallah, le gouvernement n’en a pas fait assez depuis trois ans pour rétablir les ponts avec la communauté musulmane et maintenir la paix sociale.

« Les lois doivent être faites pour la protection du citoyen, quelles que soient ses origines, […] pour que la société soit en équilibre, et non en déséquilibre comme il se fait actuellement, a-t-il déclaré. Les gouvernements en place sont loin de protéger les minorités. Ils font un effort, mais ce n’est pas suffisant. »

La loi 21 décriée

Plus tôt dans les médias, M. Benabdallah y était allé d’une sortie en règle contre la loi 21, qui interdit le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité, y compris les enseignants.

En entrevue à La Presse canadienne, il avait vertement dénoncé cette loi, qui « est venue mettre du trouble » dans la vie des familles musulmanes. Il a dit croire que la loi dont M. Legault est si fier place « une partie de la société au banc des accusés ».

« Encore une fois, on se sent minoritaires et visés, surtout la femme musulmane qui se trouve pénalisée », a-t-il déclaré, en ajoutant y voir un « recul » important.

« Le gouvernement aurait dû faire preuve de grande sagesse. Ce n’est pas juste une question de répondre à la majorité, à une promesse, mais faire en sorte que toutes les franges de la société se retrouvent », a-t-il renchéri.

S’il dit trouver les gens « aimables » pour la plupart (« Il y a des sourires, il y a des rencontres »), il s’inquiète des contrecoups de la loi 21. « Il y a du recul et ça pousse aussi des gens à nous dire : “Bien, le gouvernement a raison” et puis ça fait un peu d’éloignement. »

Legault réplique

Au contraire, a répliqué mercredi le premier ministre Legault en mêlée de presse à l’Assemblée nationale. La loi 21 permettra d’éviter les « dérapages », selon lui.

« La loi est très modérée et limite le port de signes religieux pour très peu de personnes. Ne rien faire, comme ça a été le cas dans les 10 dernières années, ça amène un plus grand risque de dérapages de la part de personnes racistes », a-t-il soutenu.

Le souper commémoratif de mercredi réunira environ 300 personnes, incluant les familles des victimes, M. Legault et le maire de Québec, Régis Labeaume.

Il sera précédé d’une activité portes ouvertes au CCIQ « afin d’échanger, sur le lieu même de l’attentat, autour de toutes les marques et témoignages de solidarité reçus de partout dans le monde », selon les organisateurs.

L’an dernier, la soirée commémorative avait eu lieu à l’Université Laval. En 2018, les activités s’étaient étalées sur quatre jours et avaient culminé par un rassemblement extérieur auquel avaient participé des centaines de personnes, dont tous les chefs des partis politiques fédéraux et provinciaux.