« Je suis fâché contre papa », a dit l’autre enfant du père de la fillette décédée à Granby au printemps. Cet enfant aujourd’hui âgé de cinq ans qui a été témoin des sévices corporels imposés à sa sœur s’est confié sur les agressions que lui auraient fait subir à lui aussi son père et la conjointe de son père.  

Deux jugements de la Cour du Québec divulgués mardi et qui portent sur les mesures à mettre en place pour protéger la fratrie comportent un nouveau blâme contre la DPJ.

Les jugements relatent ce que les autres enfants de la famille ont vécu et où ils en sont.

« Quand je fais des crises, il [son père] me donne des douches froides, a dit l’enfant de cinq ans dont le sexe n’est pas dévoilé pour préserver sa vie privée. »

« Il mettait dans ma face la douche froide, je pouvais pas parler », a-t-il aussi révélé.  

À certaines reprises, il dit avoir été littéralement bâillonné, s’être fait « taper
sa yeule par papa, puis [la fillette décédée] aussi ».

L’enfant a aussi expliqué qu’il était attaché avec la ceinture rouge de son père.

Les auteurs des sévices tels qu’identifiés par l’enfant en cause sont son père et sa belle-mère, accusés respectivement pour négligence criminelle ayant causé la mort et meurtre au second degré par rapport à la mort de la fillette.

Pour lui éviter un autre préjudice psychologique, l’enfant n’a pas témoigné aux audiences à la Cour du Québec. Les informations qui sont contenues dans le jugement émanent de ce qu’il a raconté aux enquêteurs et à ses proches.

Un enfant traumatisé 

Lorsqu’il renverse accidentellement une tasse de café le lendemain de son arrivée chez sa famille d’accueil, le jeune enfant demande à la femme si elle va lui tirer les cheveux.

La famille remarquera « une petite surface sans cheveux sur sa tête ».

Il est « un jeune enfant ayant un vécu d’une lourdeur inouïe, relève le juge Mario Gervais. Il a été victime d’abus physique de la part de son père et de sa conjointe. Il a aussi été exposé à des gestes de violence en étant témoin, à tout le moins en partie si ce n’est davantage, aux graves sévices subis par [sa sœur] qui ont conduit à son décès », écrit le juge.

Il fait observer que l’enfant présente des retards moteurs et intellectuels importants.  

De bons mots pour la mère 

Sa mère, qui a trois autres enfants vivants nés d’un autre homme, fait pour sa part bonne figure dans le jugement. Le tribunal salue sa « persévérance » dans ses suivis actuels. Le juge estime qu’elle est en mesure de répondre aux besoins fondamentaux de ses enfants, « soucieuse de leur bien-être et de leur meilleur intérêt ».

Le juge autorise donc des contacts supervisés avec son enfant de cinq ans, qui doit, dit le juge, continuer de vivre avec sa famille d’accueil.

Sont cependant interdits les contacts avec le père, avec la conjointe du père et avec sa grand-mère paternelle. Le juge ordonne le maintien des relations de l’enfant de cinq ans avec son demi-frère ou sa demi-sœur de 14 ans qui fait l’objet d’un jugement séparé.  

L’enfant de 14 ans (l’enfant de la belle-mère accusée) semble s’en tirer mieux.  

Il progresse bien à l’école, il a un réseau social développé, de bons amis, peut-on lire.

Le même juge ordonne qu’il demeure dans son nouveau foyer, où il est l’objet de bons soins.

Son père ne peut pas avoir de contact avec lui.  

Au cabinet du ministre Lionel Carmant, que l’on a contacté au sujet de ce nouveau blâme essuyé par la DPJ, on a dit vouloir attendre avant de commenter, le temps d’analyser les jugements.

Le rôle protecteur des médias

La situation personnelle des enfants doit-elle être frappée d’un interdit de publication ? Est-elle d’intérêt public ?

Dans son jugement, le juge Mario Gervais n’en a aucun doute.

Il se dit même « absolument convaincu que si, par hypothèse, l’affaire à l’étude avait été sous l’œil attentif de la population », par [l’entremise des médias], « jamais le suivi social offert à [l’enfant] X et à sa famille » « n’aurait été aussi déficient ».

Le juge insiste sur le fait que l’intervenante sociale, qui suivait aussi bien la fillette décédée que l’enfant survivant, a été laissée à elle-même. Elle assumait une charge pleine, alors que des mois de mai 2018 à octobre 2018, elle ne travaillait qu’à temps partiel.