L’ancien vice-président directeur de SNC-Lavalin Sami Bebawi a été condamné vendredi à huit ans et demi de pénitencier pour sa participation à ce que le juge a qualifié de « modèle corporatif d’affaires déviant fondé sur une corruption débridée ».

La couronne réclamait neuf ans de détention pour l’ancien cadre de 73 ans, alors que la défense avait suggéré une peine de six ans lors des représentations sur la sentence, avant Noël.

Dans son jugement rendu au palais de justice de Montréal, le juge de la Cour supérieure Guy Cournoyer a parlé de la « cupidité corporative institutionnelle » existant chez SNC-Lavalin et certains de ses dirigeants. Il a souligné que la motivation de M. Bebawi dans cette affaire lui venait de son « insatiable cupidité ».

Libéré pour la durée de son appel

« Bien que la corruption d’argent public étranger soit parfois perçue comme un passage obligé à l’obtention de contrats dans certains pays, il ne saurait être question qu’elle soit considérée avec quelque relativisme que ce soit », a martelé le juge.

« Le Canada est un État de droit, ses lois doivent être respectées », a-t-il ajouté.

Le juge a aussi déploré que ce genre d’affaires de corruption ébranle la confiance du public. « Il ne faut pas perdre de vue que la conduite frauduleuse des entreprises et de leurs dirigeants entraîne inévitablement une crise de confiance envers l’intégrité des marchés financiers et que cette crise se généralise malheureusement à celle de tous les dirigeants, que ceux-ci œuvrent dans le secteur privé ou public », a-t-il déclaré.

Dès le prononcé de la sentence, un constable s’est approché de M. Bebawi pour lui passer les menottes en l’emmener en détention. Mais les avocats de l’ancien cadre ont immédiatement traversé la rue pour se rendre à la Cour d’appel et obtenu sa libération temporaire, le temps qu’il fasse appel de sa condamnation.

La salle était bondée pour l’audience. La fille de Sami Bebawi était présente et a versé quelques larmes en voyant son père quitter. L’inspecteur Denis Beaudoin, patron de l’équille des enquêtes sur la corruption internationale à la GRC, avait aussi fait le voyage d’Ottawa pour venir assister au fruit du travail de ses enquêteurs.

Un bouc émissaire, selon la défense

La preuve exposée au jury dans cette affaire a démontré que Sami Bebawi a participé au versement de millions de dollars en pots-de-vin à Saadi Kadhafi, fils du dictateur libyen Mouammar Kadhafi. Un yacht de 25 millions lui avait même été offert à même les fonds de SNC-Lavalin. Au passage, Sami Bebawi et un de ses proches auraient reçu eux-mêmes 26 millions de dollars en fonds détournés, au début des années 2000.

La victime de la fraude était l’État libyen, qui avait payé un prix gonflé pour des contrats publics réalisés par SNC-Lavalin.

En défense, les avocats de Sami Bebawi avaient plaidé que leur client était un bouc émissaire qui n’avait pas de vrai contrôle sur les opérations de l’entreprise en Libye.

En décembre, une division de SNC-Lavalin a plaidé coupable à une accusation de fraude en lien avec le même dossier, et accepté de payer une amende de 280 millions de dollars.