Le quadruple meurtrier Valéry Fabrikant présente toujours un comportement « hostile » en prison et ne devrait pas obtenir la libération conditionnelle qu'il demande, selon les intervenants qui le suivent. L’homme de 80 ans, lui, jure qu’il n'est plus une « menace » pour quiconque.

« On voit une escalade de comportements indésirables [de sa part] depuis le début de la pandémie. Il est devenu plus hostile », a martelé un représentant de Service correctionnel Canada (SCC), Pierre-Luc Gilbert, lors d’une présentation devant la Commission des libérations conditionnelles (CLCC).

M. Gilbert a soutenu que le détenu n’a démontré peu ou pas de volonté à apporter des changements, et qu’il requiert encore un « haut niveau d’intervention », vu son niveau de résistance et de « paranoïa ». « Il a tendance à justifier ses propres actions. […] Il n’est pas réceptif », a prévenu l’agent de libération conditionnelle, recommandant de « lui refuser la libération conditionnelle ».

Enseignant en génie mécanique à l’Université Concordia, Fabrikant était connu pour son caractère peu commode avec ses étudiants, ses collègues et les membres du personnel. En août 1992, il a fait irruption au département de génie, et a tué par balles quatre collègues enseignants. Une secrétaire de Concordia a aussi été blessée. Peu avant les faits, il avait dénoncé qu’on tente de le congédier et avait condamné son refus de titularisation en tant que chercheur.

SCS dit s’inquiéter des « traumas psychologiques » que la libération du prisonnier provoquerait, notamment pour les survivants de l'attaque et leurs proches. L’homme aujourd’hui âgé de 80 ans purge une peine de prison à perpétuité à l’Établissement Archambault, à Sainte-Anne-des-Plaines. Il a fait appel en Cour fédérale de la décision de la Commission des libérations conditionnelles (CLC), qui lui avait refusé en 2014 des permissions de sorties temporaires, seul ou avec escorte.

« Je ne présente aucun risque »

Très réticent à répondre aux questions des magistrats en début d’audience, accusant même ceux-ci d’être « biaisés » en leur demandant de se récuser, Valery Fabrikant a par la suite assuré qu’il ne présentait « aucun risque » pour la société, près de 30 ans après la fusillade qu’il a commise. « J’ai craqué. Ce n’était pas sous mon contrôle, ce n’était pas moi. Je suis une personne non violente », a assuré l’homme, qui n’en est pas à sa première demande de libération conditionnelle. En 2014, la Cour avait statué qu’il ne pourrait refaire de demande en ce sens avant 2018, estimant que sa réadaptation psychologique n’avait pas assez progressé.

« Ça a été une expérience horrible pour moi. Je sais comment on se sent. C’est pourquoi mon risque de récidive est plus bas que n’importe qui », a argumenté le prisonnier, qui a soutenu par le passé que ses victimes « méritaient leur sort » car elles n'étaient pas innocentes. Il se dit ouvert à se soumettre à une « surveillance électronique » pour rassurer la population.

Je demande une libération conditionnelle pour me séparer de la société. Il n’y a aucun danger pour personne.

Valery Fabrikant

Le détenu affirme que la COVID-19 le met en danger, l’Établissement Archambault n’en faisant pas assez pour limiter la transmission selon lui. « Ils s’en foutent. Les prisonniers sont contraints à des contacts avec des gardiens ou d’autres employés. C’est du mépris total », a dénoncé Fabrikant, en ajoutant que la prison est un « endroit violent ».

Ses propos ont toutefois été contredits par l’agent Gilbert, selon qui la situation est « sous contrôle » dans cet établissement. « On prend des mesures très strictes pour assurer que la pandémie n’affecte pas nos membres », a assuré l’employé fédéral, en précisant qu’aucune infection n’a encore été recensée parmi les détenus.

Délai de 15 jours

À l’issue de l’audience, les deux membres du conseil de la CLCC n’ont pas souhaité se prononcer immédiatement. Ils disposent selon la loi d’une quinzaine de jours pour rendre leur décision officielle.

« Votre cas est très complexe. À ce stade-ci, nous n’allons pas accorder la décision. Nous aurons besoin d’évaluer et de revoir votre dossier », a fait savoir l’un des deux membres présents lors de l’audience, Denis Lévesque, en s’adressant directement à Valery Fabrikant.

Rappelons qu’en 2016, la Cour fédérale avait maintenu la décision de la CLCC, qui avait conclu une première fois que Fabrikant représentait toujours un « risque indu pour la société », s’inquiétant de possibles récidives.

En juillet 2019, Valery Fabrikant a aussi été déclaré « plaideur quérulent » par la Cour d’appel fédérale, à la demande du procureur général du Canada. Il s’agissait alors de la troisième fois qu’il était déclaré comme tel, après la Cour fédérale et la Cour supérieure du Québec au tournant des années 2000. Le juge David Stratas avait alors déploré que Fabrikant lui ait lancé au visage qu’il était « mentalement incompétent » et ne pouvait juger sa cause.