« Ayant perdu tout espoir de pouvoir faire valoir sa position et ses droits dans le cadre d’un processus équitable et impartial », le directeur général de la Sûreté du Québec relevé provisoirement de ses fonctions, Martin Prud’homme, s’adresse à la Cour Supérieure pour faire cesser le processus de destitution entrepris contre lui et réintégrer ses fonctions.

Dans un pourvoi en contrôle judiciaire de 35 pages déposé contre le ministère de la Sécurité publique, le Secrétariat des emplois supérieurs et la Commission de la fonction publique et dont La Presse a obtenu copie, le dg de la SQ contre-attaque en accusant le gouvernement de s’être ingéré dans le processus de destitution le visant, et en soulignant l’illégalité selon lui de chacune des étapes de ce processus.

Martin Prud’homme demande à la Cour d’ordonner l’arrêt des procédures instituées contre lui par la ministre Geneviève Guilbault, de déclarer nul le rapport du comité d’experts mandaté par le Secrétariat des emplois supérieurs qui recommandait sa destitution, d’ordonner l’arrêt de l’enquête actuelle de la Commission de la fonction publique et enfin, de déclarer que la conversation téléphonique qu’il a eue avec la Directrice des poursuites criminelles et pénales Me Annick Murphy le 24 octobre 2017 ne constituait pas un motif suffisant de destitution.

Aspiré dans un tourbillon

« C’est le pouvoir exécutif qui met son poids dans la balance et s’ingère afin que la Commission (de la fonction publique) comprenne qu’elle ne peut que recommander la destitution du demandeur (Martin Prud’homme) déjà condamné sur la place publique. Depuis près de deux ans, le demandeur se retrouve aspiré dans un véritable tourbillon médiatique, politique et disciplinaire qui ne cesse de perdurer en raison de l’immixtion gouvernementale dans le processus alors qu’il est question d’un appel logé en 2017 à Me Annick Murphy visant à préserver la confiance du public », écrivent notamment les avocats du directeur général de la SQ dans leur requête.

Martin Prud’homme affirme que seule la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a le pouvoir de le relever de ses fonctions, et non le Secrétariat des emplois supérieurs.

Il qualifie d’illégal le mandat donné au comité de trois experts et dénonce le fait que chacun d’entre eux ait eu des liens avec la plaignante, Me Murphy, soulevant au moins une apparence de conflit d’intérêts argue-t-il.

Martin Prud’homme devait rencontrer mardi les membres de la Commission de la fonction publique pour une nouvelle étape du processus éthique et disciplinaire.

Or, on apprend dans sa requête qu’au cours des derniers jours, il a demandé des garanties procédurales pour que ses droits soient respectés. Il déplore que les membres de la commission soient à la fois des investigateurs et des décideurs et a visiblement demandé la nomination d’un procureur indépendant.

N’ayant pas obtenu les assurances escomptées, il a déposé lundi cette requête en Cour Supérieure.

Abus de procédures

M. Prud’homme affirme que la ministre a pris la décision de le destituer sur un rapport partiel et « dont la production n’a pas été autorisée par la loi ».

Il allègue que la Commission de la fonction publique n’a pas la compétence pour trancher des questions de droit et que la poursuite du processus de destitution est un abus de procédures.

Il conclut qu’un directeur de la SQ ne peut être destitué qu’en raison d’une faute grave ou d’une incompétence majeure, et que ce n’est pas le cas de la conversation avec Me Murphy.

« Les tribunaux ont reconnu qu’une faute, même sérieuse, peut ne pas revêtir le niveau de gravité nécessaire pour imposer la peine de mort professionnelle à un policier qui avait, autrement, un dossier disciplinaire vierge », écrivent les avocats de Martin Prud’homme.

Le dg de la SQ affirme que Me Murphy l’a interrompu à plusieurs reprises lors de leur conversation du 24 octobre 2017. Il se demande pourquoi elle a pris 16 mois pour déposer sa plainte et pourquoi elle n’a pas remis sa probité en question lorsqu’il a été nommé administrateur provisoire au SPVM en décembre 2017.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.