L’importante intervention policière qui a semé l’émoi vendredi dans le bâtiment abritant les locaux d’Ubisoft dans le Mile End, à Montréal, aurait été provoquée par un canular visant à faire croire à une prise d’otages. Une enquête pour méfait public a été ouverte par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Selon nos informations, les autorités examineront notamment la possibilité que l’incident puisse être l’œuvre d’un gamer mécontent d’un nouveau jeu d’Ubisoft ayant été conçu en bonne partie à Montréal. Celui-ci fait l’objet de vives critiques en ligne depuis sa sortie, il y a quelques jours seulement.

Deux appels anonymes, dont un au 911, ont forcé le SPVM à intervenir. On y signalait la présence d’un groupe de cinq preneurs d’otages qui détenaient chacun un otage dans les bureaux d’Ubisoft, ce qui s’est finalement révélé non fondé. On aurait aussi prétendu qu’une rançon avait été demandée. Nos sources indiquent que la pratique du swatting, qui consiste à faire déplacer un groupe d’intervention tactique sans raison, est très populaire dans le milieu du jeu vidéo. Les responsables auraient choisi d’utiliser cette technique pour se « venger » d’Ubisoft.

L’un des deux appels anonymes affichait le numéro d’Ubisoft, tandis que l’autre semblait à première vue venir des États-Unis. Mais en réalité, les auteurs à l’origine de ce canular ont fort probablement falsifié leur numéro de téléphone, en usurpant une identité électronique au moyen d’un système d’adresses IP. Cette pratique est connue sous le nom de spoofing.

Ces raisons expliquent notamment le fait que la police de Montréal n’a jamais établi de contact avec des preneurs d’otage, puisqu’il n’y en a jamais eu, en réalité.

Peu après 19 h, vendredi soir, le SPVM a déclaré que l’opération était terminée. « Aucune menace n’a été détectée et il n’y a eu aucun blessé. Une enquête suivra pour faire la lumière sur l’appel à l’origine de cet important déploiement policier », a-t-on assuré.

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Mobilisation impressionnante

La situation a conduit à l’établissement d’un important périmètre policier au coin du boulevard Saint-Laurent et de la rue Saint-Viateur, en début d’après-midi vendredi. Comme le veut le protocole, des dizaines de voitures de police ainsi que plusieurs ambulances et des membres du Groupe tactique d’intervention du SPVM ont été envoyés sur les lieux. L’importance du déploiement a attiré une foule considérable.

« Des policiers du SPVM spécialisés dans ce type d’intervention progressent présentement à l’intérieur du bâtiment concerné », avait indiqué la police de Montréal, vers 15 h 30. Plus tôt en après-midi, deux témoins avaient dit avoir vu des policiers enfoncer la porte principale de l’édifice avec un bélier.

Un courriel que La Presse a obtenu a été envoyé à tous les employés d’Ubisoft sur place : « Barricadez-vous dans une zone sécuritaire qu’il est possible de verrouiller, mettez votre téléphone en mode silencieux, demeurez silencieux et cachés », peut-on y lire. Certains sont montés sur le toit du bâtiment.

« En arrivant à l’étage, il y avait du monde qui parlait d’une prise d’otages, a relaté Sébastien Chaumont, gestionnaire de production chez Ubisoft, après avoir quitté le bâtiment. On est sortis, on a ouvert la porte sur Saint-Laurent et il y avait le groupe tactique qui était là. »

C’est extrêmement inhabituel. C’est spécial, c’est bizarre. Au moins, avec le contexte du travail à la maison, il n’y a pas tant de personnes chez Ubisoft. Tous les projets sont à effectif très réduit sur place.

Sébastien Chaumont, gestionnaire de production chez Ubisoft

De 15 à 20 % des plus de 3000 employés étaient au travail dans les bureaux de Montréal. Il s’agit d’un bâtiment hautement sécurisé, où plusieurs accès sont contrôlés par une carte électronique. Simon, un employé du 1er étage qui a refusé de donner son nom complet par crainte de représailles, affirme qu’il a reçu un avertissement sur la messagerie interne d’Ubisoft. « Un collègue m’a avisé qu’il y avait une urgence et de rester dans mon local. Je n’ai rien entendu d’alarmant, pas de cris, rien. On ne comprenait pas trop ce qu’il se passait », a-t-il relaté.

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Des employés d’Ubisoft se sont réfugiés sur le toit de l’immeuble.

Une évacuation, du soutien psychosocial

Dès 15 h 30, plusieurs groupes d’employés, par dizaines, ont commencé à être évacués du bâtiment par des policiers. Ils ont ensuite été escortés dans cinq autobus de la Société de transport de Montréal (STM), qui avaient été transformés en unités temporaires d’intervention.

L’ensemble des employés seront rencontrés par les policiers. Des proches d’employés évacués, quant à eux, se sont vu interdire l’accès à ces autobus avant qu’une intervention n’ait lieu. « Nous sommes libres de partir maintenant. Par contre, personne ne peut retourner sur les lieux », a noté un employé en fin de journée.

Une cellule de crise a été mise en place pour les employés, et les bureaux de Paris sont au courant de la situation. […] Je suis maintenant en contact avec les employés sur le toit et ils vont bien.

Antoine Leduc-Labelle, porte-parole d’Ubisoft

Le directeur général d’Ubisoft Montréal, Christophe Derennes, a de son côté remercié le SPVM pour son action rapide, en plus de souligner la solidarité du public. « Nous sommes de tout cœur avec nos collègues et amis qui étaient présents au studio. Ils sont tous sains et saufs, c’est l’essentiel. Ils ont été exemplaires dans une situation extrêmement difficile », a-t-il écrit dans une déclaration.

La police de Montréal, elle, a demandé au public d’éviter le secteur pendant toute la journée de vendredi. La situation a aussi forcé une garderie, située dans un bâtiment adjacent, à se confiner de façon préventive. Du soutien psychosocial sera offert aux employés, aux policiers et aux autres personnes concernées, sur demande.

  • Des employés ont été escortés jusqu’à cinq autobus de la Société de transport de Montréal transformés en abris de fortune.

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    Des employés ont été escortés jusqu’à cinq autobus de la Société de transport de Montréal transformés en abris de fortune.

  • Les employés évacués seront rencontrés par des enquêteurs.

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    Les employés évacués seront rencontrés par des enquêteurs.

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Qu’est-ce qu’un méfait public ?

Selon le Code criminel, un méfait public est commis lorsqu’une personne trompe volontairement un agent de la paix en « rapportant qu’une infraction a été commise, quand elle ne l’a pas été ».

C’est « l’intention de tromper » qui est importante. Un citoyen peut par ailleurs être reconnu coupable de méfait public s’il fait une fausse déclaration accusant autrui d’avoir commis une infraction.

Enfin, « un acte destiné à rendre une autre personne suspecte d’une infraction qu’elle n’a pas commise, ou pour éloigner de [soi] les soupçons », est aussi considéré comme un méfait public.

Quiconque commet un méfait public est passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans, précise le Code criminel.

— Avec Philippe Teisceira-Lessard, Daphné Cameron, Isabelle Dubé, Tristan Péloquin, Vincent Larouche et Alexandre Pratt, La Presse

  • Une importante intervention policière a semé l’émoi, vendredi, dans le bâtiment abritant les locaux d’Ubisoft dans le Mile End, à Montréal.

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    Une importante intervention policière a semé l’émoi, vendredi, dans le bâtiment abritant les locaux d’Ubisoft dans le Mile End, à Montréal.

  • Deux appels anonymes, dont un au 911, ont forcé le SPVM à intervenir. On aurait faussement signalé la présence d’un groupe de cinq preneurs d’otages qui détenaient chacun un otage dans les bureaux de l’entreprise, ce qui s’est finalement avéré infondé.

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    Deux appels anonymes, dont un au 911, ont forcé le SPVM à intervenir. On aurait faussement signalé la présence d’un groupe de cinq preneurs d’otages qui détenaient chacun un otage dans les bureaux de l’entreprise, ce qui s’est finalement avéré infondé.

  • La situation a conduit à l’établissement d’un important périmètre policier au coin du boulevard Saint-Laurent et de la rue Saint-Viateur, en début d’après-midi vendredi.

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    La situation a conduit à l’établissement d’un important périmètre policier au coin du boulevard Saint-Laurent et de la rue Saint-Viateur, en début d’après-midi vendredi.

  • Comme le veut le protocole, des dizaines de voitures de police ainsi que plusieurs ambulances et des membres du Groupe tactique d’intervention du SPVM ont été envoyés sur les lieux.

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    Comme le veut le protocole, des dizaines de voitures de police ainsi que plusieurs ambulances et des membres du Groupe tactique d’intervention du SPVM ont été envoyés sur les lieux.

  • Quelques-uns des employés qui se trouvaient dans les bureaux d’Ubisoft se sont réfugiés sur le toit de l’immeuble.

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    Quelques-uns des employés qui se trouvaient dans les bureaux d’Ubisoft se sont réfugiés sur le toit de l’immeuble.

  • Dès 15 h 30, plusieurs groupes d’employés, par dizaines, ont commencé à être évacués du bâtiment par des policiers.

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    Dès 15 h 30, plusieurs groupes d’employés, par dizaines, ont commencé à être évacués du bâtiment par des policiers.

  • Un policier du GTI fouille l’édifice après l’évacuation des employés.

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    Un policier du GTI fouille l’édifice après l’évacuation des employés.

  • Les employés ont été escortés dans cinq autobus de la Société de transport de Montréal transformés en unités temporaires d’intervention.

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    Les employés ont été escortés dans cinq autobus de la Société de transport de Montréal transformés en unités temporaires d’intervention.

  • Peu après 19 h, vendredi soir, le SPVM a déclaré que l’opération était terminée.

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    Peu après 19 h, vendredi soir, le SPVM a déclaré que l’opération était terminée.

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