Le journaliste judiciaire du Journal de Montréal a été attaqué par un pédophile en plein palais de justice de Montréal mercredi matin. Christophe Villeret a asséné un violent coup de pied au journaliste Michaël Nguyen avant d’être rapidement maîtrisé par un constable spécial. Une agression dénoncée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ).

Le visage caché par son capuchon, Christophe Villeret traversait le corridor avec son avocate lorsqu’il a subitement agressé le journaliste Michaël Nguyen, qui est aussi président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Le photographe de La Presse a réussi à prendre de nombreux clichés de la brève scène chaotique.

De nombreux constables spéciaux – les agents de la paix du palais de justice – ont rapidement convergé au quatrième étage du palais de justice pour arrêter l’homme de 43 ans, sous le regard éberlué de son avocate, MVirginie Dallaire. L’agresseur pourrait faire face à des accusations de voies de fait pour ce geste. Précisons que Michaël Nguyen se porte bien.

La FPJQ a « vivement » dénoncé mercredi l’agression visant son président Michaël Nguyen. « Une attaque contre un journaliste est une attaque contre les libertés de presse et d’expression, des piliers de notre démocratie et des droits fondamentaux », a déclaré dans un communiqué Marie-Ève Martel, administratrice de la FPJQ.

La Fédération déplore que plusieurs journalistes aient été agressés ou harcelés dans les dernières années simplement pour avoir fait leur travail. « Dans notre métier, il arrive régulièrement que les gens nous en veuillent de couvrir les causes judiciaires les impliquant, eux ou leurs proches. La justice est publique et doit le demeurer pour maintenir la confiance de la population envers cette institution qui constitue l’un des fondements de la démocratie, tout comme la liberté de la presse et l’accès à l’information », a ajouté Mme Martel.

Christophe Villeret se trouvait au palais de justice en vue de l’imposition de sa peine. Il a plaidé coupable l’automne dernier à deux chefs d’accusation de contacts sexuels et d’incitation à des contacts sexuels à l’endroit d’un enfant de moins de 16 ans. Il risque une peine de prison pour ce crime.

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Christophe Villeret a plaidé coupable l’automne dernier à deux chefs d’accusation de contacts sexuels et d’incitation à des contacts sexuels à l’endroit d’un enfant de moins de 16 ans.

Le pédophile s’est fait passer pour un ado de 15 ans

Quelques minutes plus tôt, en salle d’audience, la jeune femme victime de Christophe Villeret avait livré un percutant témoignage devant la juge Marie-Josée Di Lallo. Des années plus tard, la victime conserve de profondes séquelles psychologiques des crimes commis par le pédophile.

En 2008, Christophe Villeret a réussi à fréquenter une adolescente de 15 ans pendant plus d’un an sans attirer les soupçons grâce à un sordide subterfuge. Alors qu’il avait 31 ans à cette époque, il a réussi à faire croire à sa victime qu’il était lui-même âgé de 15 ans grâce à un certificat de naissance falsifié. Sa ruse a fonctionné pendant plus d’un an en 2008 et en 2009.

Christophe Villeret avait rencontré la victime sur une plateforme de rencontre pour adolescents sur l’internet. À leur première rencontre, l’adolescente trouvait l’accusé « un peu vieux pour 15 ans » et avait mis fin à leur rendez-vous à La Ronde. Mais le pédophile a dissipé les doutes de sa victime en lui montrant un faux de certificat de naissance.

Pendant leur relation d’un an, Christophe Villeret a eu des relations sexuelles complètes avec la victime à de nombreuses reprises. Devant les doutes persistants de la victime, l’accusé lui a finalement « avoué » avoir 21 ans. Il en avait pourtant 10 de plus.

À son 16e anniversaire, la victime a révélé sa relation amoureuse à ses parents. Ceux-ci ont entamé des démarches auprès des policiers, mais on leur a indiqué que l’adolescente avait l’âge légal du consentement sexuel. Cependant, personne ne semblait alors connaître l’âge réel de l’accusé.

Une victime marquée au fer rouge

L’adolescente a mis fin à la relation en 2009, lorsqu’elle s’est rendu compte que Christophe Villeret avait communiqué avec sa jeune sœur. Ce n’est qu’une décennie plus tard que la victime a porté plainte à la police en passant devant l’immeuble habité par son agresseur à l’époque dans le quartier Ahuntsic à Montréal.

« J’ai fait une crise de panique dans ma voiture. Je n’arrivais plus à respirer. Tout d’un coup, ma tête a cessé d’être capable de vivre dans le déni. Je me suis mise à avoir la nausée 24 heures sur 24. Chaque nuit, je faisais des cauchemars qui me réveillaient en sueur et le cœur battant à tout rompre », a confié la jeune femme à la cour.

Dans un témoignage rendu avec aplomb mercredi matin, la victime a raconté à quel point cette expérience a marqué sa vie au fer rouge. Sous antidépresseurs depuis trois ans, la femme de 28 ans entretient des relations difficiles avec ses parents et peine à avoir des relations sexuelles. Elle s’est déjà évanouie en conduisant sur l’autoroute 40 en raison d’un « stress extrême », selon un neurologue.

« Après les faits, j’ai passé plusieurs années en vivant dans le déni et en tentant d’ignorer ce qui s’était passé. J’ai toutefois dû me battre avec de l’anxiété généralisée qui était liée à ces évènements. À cette époque et encore aujourd’hui parfois, je tremble sans comprendre pourquoi. Je suis tellement fatiguée que je n’arrive même pas à me nourrir même si j’ai faim. Je fais des crises de panique soudaines sans déclencheur apparent », a-t-elle expliqué.

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Sur la photo, MVirginie Dallaire et Christophe Villeret

L’imposition de la peine a été reportée à l’hiver prochain. Les avocats attendent une décision de la Cour d’appel du Québec dans une autre affaire afin de déterminer si l’inscription au Registre des délinquants sexuels représente une « peine » en soi.

Me Jérôme Laflamme représente le ministère public.