(Québec) Deux habitants de Québec ont été tués et cinq autres blessés dans une sordide chasse aux passants, menée la nuit de l’Halloween par un homme costumé et armé d’un sabre japonais qui ciblait ses victimes au hasard.

En quelques minutes samedi soir, le suspect de 24 ans, Carl Girouard, aurait tué François Duchesne près du Château Frontenac, puis Suzanne Clermont dans la rue des Remparts. En chemin, cinq innocents ont été blessés, dont certains grièvement.

L’homme a été formellement accusé dimanche après-midi de deux meurtres au premier degré et de cinq tentatives de meurtre. Sa macabre virée visait à « faire le plus de victimes possible », selon le chef du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), Robert Pigeon.

La police croit que les victimes étaient choisies au hasard, que l’assaillant avait prémédité son coup et que ses motifs étaient « personnels ».

Présentement, il n’y a rien qui nous indique que les crimes ont été posés sur la base d’une motivation haineuse, religieuse, ethnique, d’orientation sexuelle ou autre.

Robert Pigeon, chef du Service de police de la Ville de Québec

Carl Girouard avait déjà « verbalisé avoir l’intention de commettre des gestes comme ceux qu’il a posés », a ajouté le chef de police. Ces informations proviennent de sources médicales, puisque l’homme n’aurait pas d’antécédents judiciaires.

Le suspect réside à Sainte-Thérèse, dans la couronne nord de Montréal. Pourquoi a-t-il choisi de commettre ses crimes à Québec ? La police n’a pas voulu s’avancer.

Le véhicule de l’homme a été retrouvé stationné juste devant le Château Frontenac. La voiture de marque Saturn contenait au moins un bidon d’essence dans le coffre, a pu constater La Presse.

Un carnage en quelques minutes

Girouard, vêtu d’un costume « médiéval » et armé d’un sabre de style katana, serait alors parti à pied à la chasse au passant. François Duchesne, 56 ans, administrateur au Musée national des beaux-arts de Québec, très impliqué dans la communauté, se trouvait sur son passage.

Son corps aurait été retrouvé rue du Trésor, à quelques dizaines de mètres seulement de la voiture de l’assaillant. Il était probablement un peu avant 22 h 30, puisque le SPVQ affirme avoir reçu un premier appel à 22 h 28.

Juan Barrera, un Montréalais qui passait la fin de semaine à Québec, était en train de monter les escaliers du Petit-Champlain vers le Château Frontenac quand il a entendu « une femme pousser un cri terrible ».

Elle implorait d’appeler la police. Il a tout de même décidé de continuer de monter pour porter secours aux victimes. Devant le Château, il a aperçu un corps, possiblement celui de M. Duchesne. Il a cru que l’homme était déjà mort.

Paniqué, il raconte s’être réfugié au Château Frontenac, qui lui a offert une chambre pour la nuit afin qu’il n’ait pas à ressortir.

Anne*, 18 ans, se trouvait dans l’escalier Frontenac quand elle a vu deux personnes blessées sérieusement. Détentrice d’une formation de premier répondant, la jeune femme s’est mise à les soigner en attente des secours.

Selon la police, les cinq blessés ont « des lacérations importantes », mais sont hors de danger. « Je suis heureuse d’entendre ça, parce que les blessures étaient sérieuses, ç’aurait pu être mortel », dit-elle.

« Comme un cri de mort »

L’assaillant aurait ensuite descendu vers la rue des Remparts, qui surplombe le fleuve Saint-Laurent. Là, Suzanne Clermont, 61 ans, fumait paisiblement une cigarette sur le pas de sa porte.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LAPRESSE

Suzanne Clermont fumait paisiblement une cigarette sur le pas de sa porte quand elle s’est fait attaquer par Carl Girouard.

Elle a été attaquée au sabre. Il était un peu avant 22 h 40, selon plusieurs témoignages.

Un voisin et proche de la victime, qui a préféré ne pas être identifié, a expliqué à La Presse qu’il était sorti de chez lui autour de cette heure pour aller déposer les poubelles à la rue. « J’ai entendu quelque chose comme deux ou trois coups de fusil », a-t-il relaté.

Ensuite, il affirme avoir aperçu une arme à feu au sol près des poubelles dans la rue des Remparts, à la hauteur de la côte de la Canoterie.

Selon nos informations, c’est l’une des victimes de Girouard, un blessé, qui a tiré des coups de fusils à plombs pour tenter d’échapper au suspect. Le fusil à plombs a plus tard été ramassé par les policiers.

Puis, j’ai entendu des hurlements. Des hurlements, c’est même pas le bon mot. C’était un cri de mort », ajoute l’homme, visiblement ébranlé, la voix cassée.

Voisin et proche de la victime Suzanne Clermont rencontré par La Presse

Vers 10 h dimanche, lors du passage de La Presse, les enquêteurs de la police de Québec vidaient d’ailleurs les poubelles de ce secteur précis et plaçaient leur contenu dans des sacs. Les autorités n’ont pas confirmé d’information au sujet de la présence d’armes à feu.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Tôt dimanche, une partie de la rue Sainte-Famille était bouclée et sous surveillance policière.

Ce même témoin a indiqué avoir vu un homme blessé à une jambe remonter la rue Sainte-Famille depuis la rue des Remparts. « Il boitait et se dirigeait vers les ambulances qui étaient en haut de Sainte-Famille », a-t-il relaté. Tôt dimanche, une partie de la rue Sainte-Famille était bouclée et sous surveillance policière.

Le suspect a finalement été retrouvé dans la nuit, juste avant 1 h du matin. Un agent de sécurité du Port de Québec a aperçu Girouard pieds nus, en hypothermie. Il se trouvait juste devant l’Espace 400e. Il se serait donc écoulé plus de deux heures entre le deuxième meurtre et l’arrestation du suspect.

L’accusé a comparu par visioconférence, dimanche après-midi. Il a été accusé de deux meurtres au premier degré et de cinq tentatives de meurtre.

Mince consolation dans toute cette horreur : les autorités ont précisé que les rues du Vieux-Québec étaient particulièrement vides ce soir d’Halloween en raison du confinement. « C’est un facteur chance pour nous. Parce que ses intentions auraient probablement été de faire plus de victimes que ça », a noté le chef du SPVQ.

*Il s’agit d’un prénom d’emprunt, la jeune femme préférant ne pas être nommée.

— Avec Daniel Renaud, La Presse