La Sûreté du Québec procède ce mercredi matin à l’arrestation de 12 personnes soupçonnées d’avoir exploité un « réseau structuré » de production de cannabis qui utilisait illégalement des permis de production de Santé Canada pour alimenter le marché noir.

La rafle, qui porte le nom d’opération « Poney », se déroule dans les régions de Montréal, de la Montérégie et de Québec. Elle fait suite à près d’une trentaine de perquisitions survenues février et mars, lors desquelles 36 000 grammes de cannabis, des milliers de bonbons et de jujubes au THC, environ 4000 plants et 78 000 $ en argent canadien ont été saisis. Les suspects exploitaient des serres intérieures, localisées dans un entrepôt et dans des maisons résidentielles.

Selon la Sûreté du Québec, les suspects détenaient un certain nombre de permis de production de Santé Canada les autorisant à faire pousser des plants de cannabis à des fins médicales strictement personnelles à domicile. Les groupes criminalisés se servent de plus en plus de ces permis pour se blinder contre d’éventuelles enquêtes criminelles. La loi interdit clairement aux titulaires de permis de redistribuer ou de vendre le fruit de leur récolte, mais les inspections de contrôle menées par Santé Canada sont plutôt rares.

La SQ dit faire face à une « augmentation significative » du nombre d’acteurs du marché noir faisant usage de ce stratagème. « C’est une préoccupation grandissante », affirme le lieutenant Hugo Fournier, porte-parole du corps policier. « Il y a encore beaucoup d’enjeux pour améliorer l’encadrement » de ce type de permis, « mais l’opération de ce matin montre qu’on s’en occupe ».

Les policiers ont généralement plus de difficulté à mener leurs enquêtes lorsque les suspects détiennent ces permis de Santé Canada, puisqu’ils doivent obtenir des mandats supplémentaires. Plusieurs sources policières ont affirmé à La Presse ces derniers mois que la collaboration avec Santé Canada est souvent difficile.

Le Québec comptait officiellement 7633 de ces permis de production à des fins médicales personnelles en juin dernier, près du double de ce qu’on comptait en octobre 2018.

Prescriptions de complaisance

Le corps policier affirme que les prescriptions médicales ont été obtenues après un rendez-vous médical « de courte durée » lors d’une consultation vidéo avec des médecins de l’Ontario et la Colombie-Britannique.

« Dans tous les cas de figure, le nombre de plants autorisés était relativement élevé », indique M. Fournier. Typiquement, les contrebandiers obtiennent des permis leur donnant droit à 50 grammes par jour, ce qui leur permet de faire pousser jusqu’à 250 plants et à stocker 10 000 grammes en tout temps.

L’enquête de la SQ démontre que les suspects revendaient leur cannabis sur le marché noir en passant par des grossistes qui l’écoulaient par des réseaux sous-terrains « traditionnels ». Les 12 suspects, neuf hommes et trois femmes, sont âgés entre 26 et 41 ans. Ils n’avaient pour la plupart eu aucune condamnation criminelle par le passé.

L’opération policière a impliqué 55 personnes. L’enquête a été menée dans le cadre du programme Accès Cannabis.