« La théorie de la Poursuite contre Claude Gauthier est basée sur une vision incomplète et inexacte de la preuve. La Poursuite en vient à des conclusions hâtives simplement parce que l’accusé est membre des Hells Angels ».

C’est de cette façon que MAnnie Lahaise et MMylène Lareau ont résumé lundi leurs plaidoiries au procès du Hells Angels Claude Gauthier, accusé de gangstérisme, complot, trafic de stupéfiants et possession d’une somme de plus de 5000 $ obtenue criminellement.

Gauthier, 52 ans, a été arrêté l’an dernier à l’issue d’une enquête baptisée Orque par laquelle les enquêteurs de l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO), chapeautée par la Sûreté du Québec, ont démantelé un réseau de trafic de stupéfiants dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu.

La preuve contre Gauthier est circonstancielle ; elle est surtout basée sur des conversations interceptées sur son téléphone ou par des micros installés chez lui, des discussions captées sur les appareils de communication de ses présumés complices, des caméras et micros fixés dans l’habitable des véhicules de ces mêmes présumés complices, des filatures et des analyses de GPS installés sur les véhicules des suspects.

Tous les accusés de Gauthier ont plaidé coupables, y compris Pascal Facchino, un aspirant Hells Angels devenu membre depuis. Gauthier est le seul à avoir demandé la tenue d’un procès.

La Défense admet qu’il y a eu une organisation criminelle dirigée par Facchino mais réfute que Claude Gauthier y ait pris part, et même qu’il en avait connaissance.

Transcriptions maison

MLahaise et MLareau ont réécouté des dizaines de conversations entre les suspects, effectué pour chacune une transcription maison et les ont comparées avec celles réalisées par les autorités.

« La Poursuite donne à l’accusé des paroles qui n’ont jamais été prononcées. Les mots allégués par la Poursuite et les interprétations qu’elle en fait sont dénués de sens », a déclaré MLahaise, soulignant au juge Claude Leblond de la Cour du Québec que des mots ont été mal entendus par les policiers, que plusieurs conversations étaient inaudibles, que les transcriptions ne sont pas fiables selon elle et que le magistrat ne peut donc en retirer une valeur probante.

MLahaise a entre autres donné en exemple le fait que les enquêteurs ont entendu le mot pilule au lieu de résiduel, que Gauthier n’a jamais prononcé le mot kilo et que lorsqu’il parle de poques, il veut dire des marques sur son véhicule qu’il cherche à vendre, et non pas de pucks (onces de cocaïne) tel que décrit par un témoin expert durant le procès.

Les deux avocates ont également décortiqué tous les contacts GPS effectués entre Facchino et Gauthier, et visionné les vidéos de liasses d’argent tournées par les policiers.

« En tant que prospect, M. Facchino était sollicité par tous les Hells Angels de sa section. Lui et Gauthier sont des amis depuis les Jokers. Il n’y a aucune preuve de remise d’argent de Facchino à Gauthier. Les numéros de série des billets de la seule liasse d’argent de 2480 $ trouvée chez Gauthier ne correspondent à aucun prélevé durant l’enquête », a dit M Lahaise.

« La Poursuite n’a pas fait une preuve hors de tout doute raisonnable. Une personne ne doit être déclarée coupable qu’en fonction de ses crimes et non pas sur ses fréquentations. M. Gauthier n’est pas accusé d’être un Hells Angels », a ajouté l’avocate.

Les procureures de la Poursuite Me Marie-France Drolet et Me Isabelle Poulin ont plaidé la semaine dernière. Le juge rendra sa décision à la mi novembre.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.