Une Montréalaise hospitalisée durant 11 jours après avoir contracté la salmonellose vient de déposer une demande d’autorisation pour exercer une action collective contre Thomson International, une entreprise californienne visée par un important rappel d’oignons contaminés.

Plus de 450 personnes ont officiellement contracté la bactérie salmonelle de souche Newport au Canada cet été, dont 23 au Québec. Selon l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), une personne en est possiblement morte, tandis que 66 personnes ont dû être hospitalisées.

La Québécoise Andrea Ashley Ducharme fait partie du nombre. À la fin du mois de juin, la jeune femme s’est préparé une salade contenant des oignons. Le soir même, elle est tombée très malade. Assaillie de frissons et de tremblements, elle a décidé de se rendre à l’hôpital deux jours plus tard.

Des prélèvements ont révélé la présence de la bactérie salmonelle Newport dans ses selles. Ce n’est qu’à sa sortie de l’hôpital, 11 jours plus tard, qu’elle a pris connaissance du rappel visant les oignons rouges commercialisés par Thomson International.

« La demanderesse a subi de sérieux préjudices en raison de son infection à la salmonellose, de son hospitalisation et des traitements qu’elle a endurés pendant plusieurs semaines », peut-on lire dans la requête qu’Andrea Ashley Ducharme a déposée au palais de justice de Montréal le 27 août et dans laquelle elle demande d’obtenir le statut de représentante des Québécois ayant acheté ou mangé les oignons ayant fait l’objet d’un rappel.

« Négligence »

Andrea Ashley Ducharme a refusé de nous accorder une entrevue.

Dans sa demande adressée à la Cour supérieure, elle allègue que Thomson International a manqué à son « devoir de diligence ».

« La défenderesse a été négligente dans le contrôle de la qualité, la surveillance, le traitement, le stockage, la distribution, la vente et la notification au public et le rappel en temps utile des oignons rouges, mettant la demanderesse et les membres du Groupe en danger de contracter la bactérie salmonelle Newport », allègue le document judiciaire.

Thomson International est un producteur maraîcher, un transformateur et un distributeur établi à Bakersfield, en Californie. Appelée à réagir, l’entreprise n’a pas répondu à nos questions mercredi.

Un enjeu nord-américain

Le 1er août, la Food and Drug Administration (FDA) a annoncé qu’elle avait déclenché une enquête sur différentes éclosions de salmonellose survenues dans 34 États américains potentiellement liées à la consommation d’oignons cultivés par Thomson International. Près de 400 Américains étaient alors tombés malades.

Thomson International a dès lors procédé au rappel volontaire de ses oignons rouges, jaunes et blancs expédiés depuis le 1er mai sur les territoires américain et canadien.

Salades, salsas, sandwichs : depuis, pas moins de 36 produits différents ont fait l’objet d’un rappel aux quatre coins du Canada.

C’est en Alberta où l’on recense le plus grand nombre de cas : 257 personnes sont tombées malades.

« Si vous ignorez d’où provient votre oignon rouge, blanc, jaune ou jaune sucré, ne le mangez pas », prévient l’Agence de la santé publique du Canada dans son plus récent avis de santé publique sur cette affaire. « Il n’existe aucune preuve attestant que les oignons cultivés au Canada sont liés à cette éclosion », ajoute la mise en garde.

Pour l’instant, aucune somme précise n’est demandée dans la demande pilotée par le cabinet spécialisé dans les actions collectives Siskinds Desmeules. Le groupe demande au tribunal de condamner la défenderesse à verser une compensation pour tous les dommages subis ainsi que des dommages punitifs et exemplaires d’un montant à déterminer par la Cour.

Depuis cette affaire, Andrea Ashley Ducharme a changé ses habitudes. « Après cette découverte, la demanderesse a jeté tous les oignons qu’elle avait achetés auparavant et n’achète maintenant plus que des produits locaux », souligne sa requête.

— Avec Louis-Samuel Perron, La Presse

Qu’est-ce que la salmonellose ?

C’est une infection causée par la consommation d’aliments contaminés par la bactérie salmonelle. La maladie cause de la diarrhée, des vomissements et de la fièvre. Elle peut être grave et même mortelle chez des groupes plus vulnérables. On retrouve plus de 2500 « sérotypes » de salmonelle, explique Jennifer Ronholm, professeure adjointe au département des sciences alimentaires et de chimie agricole de l’Université McGill. La variété Newport est plutôt répandue, dit-elle. « Nous avons tendance à associer la salmonelle au poulet cru ou aux œufs, mais depuis quelques années, l’on constate que de plus en plus d’éclosions sont liées avec des produits végétaux », explique-t-elle.

Après les oignons, les pêches

Pêches et micropousses : deux autres aliments sont actuellement visés par des rappels en raison d’une contamination à la salmonelle. Le 22 août, l’entreprise californienne Prima Wowona a procédé au rappel de pêches de diverses marques vendues au Canada depuis le 1er juin. L’Agence de la santé publique du Canada recense 48 cas confirmés d’infection à la salmonelle du sérotype Enteritidis qui sont liés à la consommation de pêches, dont 16 au Québec. Le 28 août, l’ACIA a annoncé que des micropousses commercialisées par l’entreprise Les Jardins Picoudi pourraient aussi être contaminées par la bactérie. Heureusement, on ne déplore aucun citoyen malade.

D’où vient la contamination ?

En général, la contamination des fruits et légumes provient des déjections animales contaminées qui se sont retrouvées au champ. L’eau est un moyen efficace pour transporter la bactérie. « Ça pourrait venir des fermes animales à proximité des fermes maraîchères. La salmonelle peut vivre dans le système gastro-intestinal d’une tonne de mammifères différents et d’oiseaux », explique la professeure Ronholm. Chez l’humain, la salmonelle peut demeurer dans l’intestin jusqu’à plusieurs mois après la disparition des symptômes. « La bactérie descend dans l’intestin et rentre dans les cellules qui tapissent le système intestinal. Cela cause de l’enflure qui engendre la nausée, les vomissements et la diarrhée », dit Mme Ronholm.

Maladies alimentaires en baisse

Considérant tous ces récents rappels, les éclosions de salmonellose sont-elles de plus en plus fréquentes ? Au contraire. À notre demande, l’Agence de la santé publique du Canada a établi des statistiques pour comparer le nombre de cas recensés au cours des huit premiers mois de 2020 aux années précédentes. La baisse serait de 55 %. « Environ 3300 résultats positifs à l’égard de la bactérie salmonelle et validés par un laboratoire ont été déclarés à l’échelle nationale. Le nombre moyen par cinq ans de cas de salmonelle déclarés à l’échelle nationale pour cette même période est de 7321 », nous a écrit le conseiller en communications André Gagnon.