Trois anciens cadres policiers s’adressent à la Cour supérieure pour obtenir d’importants dédommagements après avoir été la cible d’enquêtes internes qui n’ont pu prouver le moindre crime de leur part, mais qui continuent de leur causer des soucis des années plus tard.

Imad Sawaya et Costa Labos, deux inspecteurs du SPVM qui sont suspendus avec solde depuis trois ans, et Alfred Tremblay, un ancien inspecteur-chef à la Sûreté du Québec, réclament à eux trois plus de 5,3 millions de dollars.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Alfred Tremblay

Leurs histoires illustrent à nouveau le phénomène des cadres policiers qui sont mis de côté par leurs supérieurs et payés pour ne rien faire sur de très longues périodes, soit à travers une suspension avec solde, soit à travers la création d’un poste sans réelles responsabilités. D’autres poursuites civiles ont évoqué ce genre de pratique ces dernières années.

Suspendu depuis 2017

M. Sawaya, qui a travaillé pendant 21 ans au SPVM, était affecté au cabinet du chef de police de l’époque, Philippe Pichet, lorsque le gouvernement du Québec a décidé de confier à une équipe mixte d’enquêteurs la révision de tous les dossiers d’affaires internes visant des policiers de Montréal, en 2017.

Cette grande révision avait été déclenchée parce que d’anciens policiers avaient remis en question l’intégrité de la Division des affaires internes, lors d’entrevues sur les ondes de TVA.

L’équipe mixte avait déclenché une enquête afin de vérifier si M. Sawaya avait commis une fraude contre son employeur, dans le cadre d’un imbroglio où des primes lui avaient été versées en trop sur son salaire. L’enquête a révélé qu’il n’y avait pas lieu de porter des accusations criminelles contre lui pour cette erreur administrative. Malgré tout, M. Sawaya demeure suspendu depuis trois ans, et la Ville a refusé à ce jour de le ramener au travail, prétextant une nouvelle enquête disciplinaire en lien avec des soupçons de harcèlement psychologique.

« Congédiement déguisé »

Le cas de son confrère Costa Labos, ancien inspecteur responsable de la Division des affaires internes du SPVM, est similaire. Il a été suspendu en 2017 lorsque l’intégrité des enquêtes internes a été remise en cause. L’enquête de l’équipe mixte chargée de la révision de tous les dossiers a déterminé qu’il n’y avait pas matière à porter des accusations criminelles contre lui. Il a demandé à revenir au travail, mais la Ville a refusé, prétextant encore une fois une nouvelle enquête disciplinaire pour harcèlement psychologique au travail.

Les deux hommes, qui sont payés à ne rien faire et empêchés de poursuivre leur carrière depuis 2017, disent vivre une terrible humiliation, de l’anxiété, des troubles de sommeil et d’autres désagréments. M. Sawaya dit même avoir eu des pensées suicidaires.

Dans leur poursuite, les deux hommes représentés par l'avocat Thomas Villeneuve-Gagné parlent d’un « congédiement déguisé » et d’une « destitution sans cause ».

M. Sawaya et Labos avaient déjà demandé à la Cour du Québec de forcer la Ville à les ramener au travail. L'affaire n'a pas encore été entendue.

Dans une nouvelle poursuite déposée devant la Cour supérieure, ils réclament chacun 2,5 millions de dollars de la Ville de Montréal, pour eux et leurs conjointes respectives, en dédommagement pour les inconvénients vécus.

Frais d’avocats importants

De son côté, Alfred Tremblay, un ancien inspecteur-chef de la Sûreté du Québec, a été accusé de fraude, vol et abus de confiance en 2014.

L’accusation découlait d’une compensation de 80 000 $ reçu de son employeur, en dédommagement pour le traitement cruel qu’on lui avait fait subir avant sa retraite, en lui créant un poste sans tâche précise où il était dépouillé de toute responsabilité et où pratiquement personne ne lui adressait la parole. La compensation négociée à l’amiable avait été puisée dans un fonds dédié aux « dépenses spéciales d’opérations » de la police, ce qui était vu comme une fraude par la poursuite. Mais la juge qui a présidé le procès a blanchi M. Tremblay, « qui croyait sincèrement que cette somme lui était due par une entente légitime ».

Alfred Tremblay réclame maintenant que son ex-employeur acquitte ses frais d’avocats en lien avec cette mésaventure, qui dépassent 300 000 $, en plus de lui verser 10 000 $ à titre de dommages moraux. L'ancien inspecteur-chef est représenté par les avocats Jean-François Demers et Francis Arnaud Marcotte.