(Montréal) Un cabinet d’avocats montréalais veut intenter une action collective de 10 millions au nom des victimes présumées de François Lamarre, un ancien policier et entraîneur de hockey qui faisait l’objet de nombreuses accusations de nature sexuelle envers des mineurs, mais qui est mort avant d’avoir subi son procès.

La demande d’autorisation d’exercer une action collective, déposée mardi, allègue que François Lamarre a agressé sexuellement des dizaines d’enfants sur une période de 30 ans, notamment lorsqu’il travaillait comme entraîneur de hockey mineur à Greenfield Park, qui fait maintenant partie de la Ville de Longueuil.

« M. Lamarre a abusé du pouvoir et de l’autorité que lui avait confiés la Ville de Greenfield Park […] pour s’attaquer à des dizaines, voire des centaines d’enfants innocents et vulnérables pendant les années de formation de leur jeunesse, leur causant inévitablement et automatiquement des souffrances graves et irréparables », affirme le document en anglais déposé devant la Cour supérieure du Québec.

L’action collective, qui vise la succession de M. Lamarre et la Ville de Longueuil, affirme que la municipalité n’a pas protégé les enfants contre les gestes de l’entraîneur. Les allégations n’ont pas été prouvées devant les tribunaux.

« Non seulement la Ville intimée est responsable du comportement illégal de son entraîneur de hockey, mais la Ville a également fait preuve de négligence en omettant d’assurer la sécurité des enfants inscrits à son programme de hockey », allègue le document.

La Ville de Longueuil a refusé de commenter la démarche judiciaire.

François Lamarre est mort en juillet à l’âge de 71 ans, avant le début de son procès. Il avait été accusé en décembre d’agression sexuelle, de grossière indécence, d’attentat à la pudeur, d’avoir touché une partie du corps d’une personne de moins de 14 ans à des fins sexuelles et d’avoir invité, engagé ou incité une personne de moins de 14 ans à le toucher à des fins sexuelles.

Les accusations concernaient quatre garçons âgés de 9 à 16 ans au moment des faits allégués, qui se seraient produits entre 1972 et 1997 au domicile de l’accusé, dans sa voiture et dans des arénas.

M. Lamarre a pris sa retraite du Service de police de la Ville de Montréal en 1994. Aucun de ses crimes présumés n’aurait été commis dans le cadre de ses fonctions de policier.

Après son arrestation, d’autres victimes présumées se sont manifestées, dont un conseiller municipal de Longueuil représentant l’arrondissement de Greenfield Park. Peu après la mort de l’accusé, le Service de police de l’agglomération de Longueuil avait fait savoir que 16 dossiers avaient fait l’objet d’enquêtes et avaient été autorisés par le Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Les victimes alléguées vivent au Québec, mais aussi dans d’autres provinces du Canada, ainsi qu’au Royaume-Uni.

« Hanté tout au long de sa vie »

Le requérant principal est un homme qui affirme avoir été agressé sexuellement par François Lamarre dans les années 1970, alors qu’il était un joueur de hockey âgé de 10 ans. Dans les documents judiciaires, il allègue que l’entraîneur, alors au milieu de la vingtaine, lui faisait des attouchements sexuels sous le couvert de jeux de lutte ou de combat, et qu’il faisait la même chose avec d’autres garçons autour de lui.

« Comme il n’avait que 10 ans, il ne savait pas quoi faire ou quoi dire, et il espérait simplement que ce comportement s’arrêterait. Ça n’a pas été le cas », écrivent les avocats.

Le requérant rapporte aussi que François Lamarre s’était lié d’amitié avec ses parents, qui l’ont encouragé à passer plus de temps avec l’entraîneur dans d’autres contextes que les entraînements de hockey, des moments pendant lesquels les agressions se seraient amplifiées.

L’homme, aujourd’hui âgé de 58 ans, affirme que ces agressions sexuelles pendant son enfance « l’ont hanté tout au long de sa vie », ce qui a entraîné de l’anxiété, la peur des policiers et des adultes en position d’autorité, une consommation excessive d’alcool et des pensées suicidaires.

Robert Kugler, l’un des avocats qui ont déposé la demande d’action collective, a expliqué mercredi qu’il espérait que cette démarche encouragerait d’autres éventuelles victimes à se manifester.

« C’est le type de situation où nous pensons que les victimes qui souffrent en silence depuis 50 ans peuvent enfin obtenir justice », a-t-il affirmé.

En entrevue téléphonique, il a indiqué que les actions collectives s’étaient avérées utiles ces dernières années dans des dossiers d’agression sexuelle, notamment dans ceux impliquant des congrégations religieuses. Me Kugler a affirmé que la mort de François Lamarre ne devrait pas être un obstacle à l’issue de l’action collective.

Les requérants demandent 10 millions en dommages-intérêts punitifs, ainsi que des sommes supplémentaires en dommages-intérêts pour chacune des victimes, dont le montant devra être déterminé par le tribunal. Le requérant principal réclame quant à lui une compensation de 775 000 $.