Parce que la mafia originaire de la Calabre, en Italie, la Ndrangheta, pourrait particulièrement profiter de la pandémie de COVID-19, le Canada, l’Italie et neuf autres pays unissent leurs forces et leurs connaissances pour lutter contre elle, dans un projet supervisé par Interpol.

Les objectifs principaux sont d’empêcher la Ndrangheta d’infiltrer l’économie légale et d’arrêter ses membres fugitifs qui pourraient chercher refuge partout dans le monde, y compris au Canada.

Selon les autorités internationales, la Ndrangheta est devenue l’une des plus importantes organisations criminelles au monde, et a même damé le pion à la Cosa Nostra (mafia sicilienne) en Italie.

« Un aspect qui rend la Ndrangheta unique en tant que groupe du crime organisé est son modus operandi. Elle opère par la corruption, l’infiltration et l’intimidation, basées sur des liens familiaux très étroits qui rendent sa pénétration très difficile.

« La Ndrangheta est extrêmement structurée. Contrairement à la Cosa Nostra, il y a eu très peu d’anciens membres de la Ndrangheta qui ont coopéré avec les forces de l’ordre. Elle possède un modèle classique des structures pyramidales du crime organisé qui s’est révélé extrêmement adaptatif », a expliqué à La Presse le directeur général d’Interpol, Jürgen Stock.

« Le montant du capital en espèces détenu par des organisations telles que la Ndrangheta signifie qu’elles sont bien placées pour offrir une assistance aux entreprises qui peuvent être aux prises avec des paiements. Elles peuvent garantir un paiement ou offrir des prêts, donc à la fin de la pandémie — et probablement déjà —, nous avons la Ndrangheta et d’autres organisations criminelles qui s’infiltrent dans l’économie légitime. »

« L’infiltration des entreprises légales offre à la Ndrangheta une opportunité non seulement de blanchiment d’argent, mais aussi de créer des réseaux internationaux qui sont ensuite utilisés pour couvrir leurs marchés illégaux, en particulier le trafic de drogue », a poursuivi M. Stock.

Une collaboration bénéfique

Depuis le début de l’été, des officiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) participent à un projet d’Interpol baptisé I-CAN, mis sur pied à l’initiative de la police italienne.

Les représentants de la police fédérale canadienne et des autorités de l’Australie, de l’Argentine, du Brésil, de la Colombie, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Suisse, des États-Unis et de l’Uruguay ont tenu une première rencontre virtuelle le 24 juin dernier.

PHOTO FOURNIE PAR LA GRC

Michel Arcand, surintendant principal de la GRC.

« I-CAN est l’une des bonnes initiatives internationales qui existent en ce moment », a déclaré à La Presse le surintendant principal de la GRC, Michel Arcand.

Lorsqu’elle s’implique dans une initiative internationale comme celle-là, le but de la GRC est toujours d’assurer la sécurité des Canadiens contre des crimes de haut niveau comme ceux perpétrés par le crime organisé.

Michel Arcand, surintendant principal de la GRC

« Le Canada fait toujours partie des enquêtes internationales qui touchent le crime organisé, pour nous, c’est une priorité. Le crime organisé n’a pas de frontières. La Ndrangheta est présente partout à travers le monde et très active ici, au pays. Ça porte toujours fruit d’échanger au sein d’une communauté policière internationale et d’avoir les mêmes objectifs », a ajouté M. Arcand.

En s’appuyant sur l’expérience directe de l’Italie et sa connaissance de la Ndrangheta, les autorités policières qui participent au projet I-CAN mettent leurs informations à la disposition des pays ciblés pour déterminer les modèles, tendances et cibles potentielles, et effectuent des enquêtes communes pour retrouver et arrêter des fugitifs de la Ndrangheta.

Le 24 juillet dernier, Interpol a annoncé que six membres en cavale de la Ndrangheta impliqués dans des importations de cocaïne ont été arrêtés en Albanie, en Argentine et au Costa Rica, vraisemblablement dans le cadre du programme I-CAN.

M. Arcand n’exclut pas que des fugitifs de la Ndrangheta veuillent se réfugier au Canada et affirme que la GRC met à contribution tous ses enquêteurs du crime organisé et ses agents de liaison postés partout dans le monde.

Des liens avec l’Italie

La Ndrangheta est l’une des organisations criminelles les plus importantes du Canada, mais M. Arcand assure que la participation de la GRC au programme d’Interpol ne signifie pas que cette organisation prend de l’ampleur au pays.

Le surintendant affirme que la présence de la Ndrangheta est « plus significative » dans la région de Toronto qu’à Montréal, mais qu’il existe des liens entre les clans des deux villes.

M. Arcand affirme qu’il y a des liens d’affaires et familiaux entre la Ndrangheta de la région de Toronto et celle de l’Italie.

« À notre connaissance, il y a toujours des liens qui existent entre les Ndrangheta canadienne et italienne. Effectivement, les mafieux canadiens nés ici ont développé leur propre organisation, mais on constate que les liens se font quand même entre le pays mère, qui est l’Italie, et d’autres pays. Ils n’ont pas de frontières, donc pourvu qu’il y ait un profit à faire. C’est là qu’il va se développer une connaissance et un lien entre ces pays-là, dont l’Italie », explique M. Arcand.

Enfin, le surintendant affirme que les mafias calabraise et sicilienne sont toutes les deux aussi importantes au Canada.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.