Un répartiteur au 911 qui a agressé sexuellement une collègue policière endormie pendant un party de policiers a été condamné à 90 jours de prison lundi pour son crime « intrinsèquement grave ». Se sentant abandonnée et trahie par ses pairs, la victime souligne toutefois à quel point il est difficile de porter plainte pour agression sexuelle, même pour une représentante de la loi.

Alors que le système judiciaire et les services de police font l’objet de nombreuses critiques pour leur traitement des dossiers d’agressions sexuelles, une policière agressée sexuellement témoigne avoir « vécu un sentiment d’abandon et de trahison de la communauté policière en raison du jugement des autres suite à sa plainte », relève le juge Paul Chevalier dans sa décision rendue lundi au palais de justice de Saint-Jérôme.

« Elle relate la difficulté de porter plainte pour une agression sexuelle, avec le sentiment de culpabilité que ressentent les victimes pas seulement en se demandant ce qu’elles ont pu dire ou faire pour provoquer leur agresseur, mais beaucoup plus en sachant que ça va chambouler la vie de leur agresseur et faire des victimes collatérales », résume le juge dans sa décision.

La victime a tenu ces propos lors de l’audience sur la détermination de la peine. Elle éprouvait alors un « sentiment d’injustice » à l’idée que son agresseur, Frédéric Guénette-Mégélas, puisse « s’en sortir » sans casier judiciaire avec une absolution, alors qu’il a « chamboulé sa vie » en commettant un geste « inacceptable ». Elle évoque avoir dû témoigner à deux reprises et fait mettre en doute sa crédibilité chaque fois.

Le juge Chevalier l’a cependant crue sur toute la ligne et a déclaré Frédéric Guénette-Mégélas coupable d’agression sexuelle l’an dernier. Congédié à la suite du verdict, l’homme de 38 ans espérait toujours réintégrer son emploi au 911 en bénéficiant d’une absolution conditionnelle, l’une des peines les moins sévères du Code criminel qui permet d’éviter d’avoir un casier judiciaire.

Or, une telle peine « enverrait un bien mauvais message au public quant au respect qui doit être accordé à l’intégrité des femmes », a tranché le juge Paul Chevalier lundi au palais de justice de Saint-Jérôme, en citant un collègue de la Cour du Québec. L’employeur de Frédéric Guénette-Mégélas n’est pas indiqué dans la décision, puisque l’identité de la victime est protégée par une ordonnance.

« Le Tribunal ne peut que constater qu’il a agi en pleine possession de ses facultés, pour assouvir ses pulsions sexuelles, sans se soucier le moindrement du tort qu’il pouvait causer à sa victime, tort qui est très important. Son degré d’insouciance à cet égard est très élevé, de sorte que sa culpabilité morale l’est tout autant », a conclu le juge, en le condamnant à 90 jours de détention, comme le réclamait la Couronne.

Un geste « dévastateur »

Frédéric Guénette-Mégélas s’en prend à la victime pendant un party de policiers, le 20 juillet 2017, à Boisbriand. En soirée, alors que la victime se repose au sous-sol, l’accusé en profite pour lui faire des attouchements sans son consentement. La victime se réveille avec un doigt de l’accusé dans ses organes génitaux en train de faire un douloureux va-et-vient. Il retire son doigt, embrasse la victime sur le ventre puis tente de poursuivre vers la tête.

Elle lui lance alors : « Laisse-moi tranquille, je suis fatiguée, je veux dormir. » « Tu es sûre, tu ne veux pas que je continue, tu es toute mouillée », répond l’accusé. La victime refuse alors à plusieurs reprises.

De tels gestes vont « au cœur même de l’intimité sexuelle d’une victime et constituent donc un crime intrinsèquement grave », relève le juge.

Pour la victime, se faire pénétrer ainsi est « le plus dévastateur ». « Une pénétration, c’est l’intrusion, c’est l’intrusion la plus totale qu’on puisse imaginer », a-t-elle témoigné. Trois ans plus tard, elle peine à faire confiance aux hommes et demeure incapable de se projeter dans l’avenir.

Dans sa décision, le juge relève comme facteurs aggravants les séquelles sérieuses de la victime, l’abus de la vulnérabilité de celle-ci et l’opportunisme de l’accusé. De plus, le répartiteur au 911 travaillait dans un milieu policier « où le respect de la loi est primordial », souligne le juge.

Frédéric Guénette-Mégélas n’a eu « aucune excuse, aucun remords ou regret exprimé », ajoute le juge. Notons toutefois qu’il a porté en appel le verdict de culpabilité et pourrait également en appeler de la décision sur la peine. Il était défendu par MCynthia Lacombe, alors que MCaroline Buist représentait le ministère public.