(Halifax) Une coalition d’organismes canadiens voués à l’élimination de la violence faite aux femmes exhorte les gouvernements fédéral et provincial à éviter l’approche de « justice réparatrice » pour l’enquête promise sur la tuerie d’avril en Nouvelle-Écosse.

Dans une lettre adressée aux premiers ministres fédéral et provincial et à plusieurs ministres, la coalition soutient qu’une telle approche empêcherait la tenue d’une enquête publique indépendante et entièrement transparente sur la tuerie qui a fait 22 morts.

La trentaine d’organismes signataires se disent surpris d’apprendre que l’ouverture d’une enquête publique fédérale-provinciale traditionnelle était retardée parce qu’on voulait y greffer une approche de justice réparatrice.

Ce processus vise à remédier aux dommages causés par un crime en offrant aux personnes impliquées — victimes, accusés et autorités — l’occasion de se rencontrer et de discuter de mesures réparatrices, en dehors du système judiciaire classique.

Dans sa lettre, obtenue par La Presse canadienne, la coalition, qui comprend Hébergement Femmes Canada et l’Association nationale femmes et droit, s’oppose au recours à ce mécanisme dans cette affaire précise, parce que les audiences se tiennent généralement à huis clos et qu’il n’y a aucune façon de contraindre les témoins.

« Les familles et les personnes qui ont perdu des êtres chers à la suite de ce massacre, les femmes et les enfants qui subissent chaque jour des violences misogynes au Canada, et la population canadienne traumatisée par cette tuerie sans précédent ont droit à la justice pleine et entière d’une enquête qui garantira l’accès du public […], la reddition de comptes et la transparence. »

Pas pour les crimes violents

La coalition souligne par ailleurs que la Nouvelle-Écosse a imposé un moratoire sur le recours à la justice réparatrice pour les crimes de violence familiale ou sexuelle.

Au cours des dernières semaines, plusieurs groupes et individus ont réclamé une enquête publique qui prenne en compte une optique féministe, parce que Gabriel Wortman a amorcé sa cavale meurtrière de 13 heures après avoir battu sa conjointe.

La semaine dernière, le ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse, Mark Furey, a déclaré que les gouvernements provincial et fédéral réglaient les derniers détails de l’enquête, mais qu’il y avait des retards en raison de « détails techniques et juridiques ».

« Nous adoptons une approche centrée sur l’humain et tenant compte des traumatismes, qui serait conforme à certains des principes de justice réparatrice », a-t-il dit.

Amanda Dale, de l’institut Women’s Human Rights, soutient aussi que la justice réparatrice n’est généralement pas utilisée dans les cas de meurtre. Elle estime que si le but est de « panser les plaies dans la communauté », alors une enquête publique plus ouverte est nécessaire — une enquête qui pourrait révéler la vérité, car elle dispose des outils juridiques pour obtenir des documents et interroger des témoins.

La Nouvelle-Écosse avait créé en 2015 une « enquête réparatrice » novatrice en nommant un comité chargé d’étudier les allégations de sévices dans un ancien orphelinat pour enfants noirs de la région de Halifax.