La Couronne porte en appel le verdict d’acquittement du leader du groupe d’extrême droite Atalante sur seulement deux des quatre chefs d’accusation. Raphaël Lévesque est donc bel et bien acquitté d’avoir harcelé et intimidé des journalistes de VICE Québec pour les empêcher de couvrir le groupe ultranationaliste.

L’homme de 36 ans a été acquitté sur toute la ligne, le 10 juin dernier, par la juge Joëlle Roy. Une décision décriée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, qui craint que cette décision encourage l’intimidation de journalistes. « Ce jugement ne se veut pas une licence afin de reproduire de tels agissements », avait toutefois souligné la juge.

Le militant ultranationaliste s’était rendu dans les locaux de VICE Québec à Montréal en mai 2018 avec des hommes masqués pour remettre un trophée rempli de mégots à un journaliste. « Merci de partir la guerre », avait lancé Raphaël Lévesque au journaliste Simon Coutu, en lui remettant le trophée « humoristique ».

Selon la juge, son intervention était « légitime », puisque son but était de « livrer un message et [de] communiquer des renseignements » au journaliste. Il n’avait pas « l’intention d’intimider qui que ce soit », selon la juge. Même s’il avait utilisé un « artifice » pour s’introduire en montrant des fleurs à la réceptionniste, il n’avait aucune intention criminelle, a tranché la juge.

Le ministère public s’est tourné vendredi dernier vers la Cour d’appel du Québec pour porter en appel le verdict de culpabilité sur les chefs d’introduction par effraction et de méfaits.

La Couronne soutient que la juge a erré en droit en interprétant une jurisprudence. Cette erreur a amené la juge à conclure que l’accusé n’avait aucune intention criminelle lors de l’introduction par effraction, avance la Couronne, qui demande donc de le reconnaître coupable, ou alors d’ordonner un nouveau procès sur ces chefs.

Au procès, le journaliste Simon Coutu ainsi que plusieurs employés de VICE Québec – qui a depuis fermé – ont témoigné avoir été intimidés par Raphaël Lévesque et les hommes masqués, même si ceux-ci n’ont prononcé aucune menace. L’intrusion de M. Lévesque avait d’ailleurs pour but « de le faire taire », selon Simon Coutu, puisqu’il venait de publier plusieurs articles sur le groupe ultranationaliste Atalante.

Prise de bec

Le ministère public ne relève donc pas dans ses motifs d’appel la prise de bec particulièrement houleuse entre la juge Roy et le procureur de la Couronne pendant le procès. Dans une charge inédite, la juge avait reproché au procureur son ton « inapproprié », « agressif » et « agressant » envers le Tribunal, ainsi que son « attitude à proscrire ».

Le procureur avait tenté d’amener en preuve certaines paroles troublantes prononcées par l’accusé dans certaines chansons, ce que la juge a refusé. « Ces petits gauchistes efféminés qui se permettent de nous critiquer n’oseront jamais nous affronter. On va tous les poignarder », chantait notamment M. Lévesque au sein du groupe Légitime Violence, proche d’Atalante. Il chantait aussi : « Déroulons les barbelés, préparons le Zyklon B ! » en référence aux nazis.

La juge Roy avait alors explosé, lorsque MJimmy Simard avait souligné que le logo d’Atalante ressemblait au signe des SS du régime nazi. « Là, vous dépassez complètement les limites [MSimard]. On va rester au 23 mai 2018. Je n’entrerai pas dans les signes des SS ! J’ai aucune preuve à cet effet-là. Je comprends que vous pouvez le penser, MSimard. Il y a des choses qui ne se disent pas en salle de cour ! », avait tonné la juge Roy.