L’« homme de main » Willy Junior St-Jean a tiré à bout portant sur Valery Belange dans une cage d’escalier et a pris la fuite avec son complice Ducakis François, il y a trois ans, dans Montréal-Nord. Des mois plus tard, il s’est vanté sur Facebook d’avoir « assassiné » pour ses « frères », sans savoir que son ADN avait été trouvé sur une casquette abandonnée sur les lieux.

C’est la thèse qu’a présentée au jury le procureur de la Couronne Matthew Ferguson jeudi dans ses plaidoiries finales au Centre de services judiciaires Gouin. Willy Junior St-Jean, 33 ans, et Ducakis François, 26 ans, sont jugés pour le meurtre au second degré de Valery Belange, le soir du 29 août 2017. Ils étaient initialement accusés de meurtre au premier degré, mais le chef a été modifié au terme de la présentation de la preuve.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Willy Junior St-Jean

Il s’agit du premier procès au pays à reprendre devant jury depuis la pandémie. Des mesures sanitaires uniques ont été mises en place pour permettre la reprise du procès amorcé en janvier dernier. Alors que les jurés amorceront leurs délibérations vendredi, la Couronne leur a enjoint de déclarer Willy Junior St-Jean coupable de meurtre au second degré, et Ducakis François d’homicide involontaire.

« Les deux accusés ont agi de manière concertée, le soir du 29 août 2017. […] Le timing, la coordination et la rapidité de leurs actions contredisent toute explication innocente quant à la présence des deux accusés chez Valery Belange. Leurs intentions n’étaient certainement pas pacifiques », a plaidé MFerguson.

Ce soir-là, la femme de Ducakis François, Chloé Langlois, qui travaillait comme escorte, a échangé de nombreux messages avec la victime, Valery Belange, qui était son client. C’est d’ailleurs elle qui avait entamé la discussion, a fait remarquer MFerguson. Ducakis François a ensuite accompagné sa femme au domicile de la victime, faisant un détour en chemin pour faire monter Willy Junior St-Jean.

Selon Ducakis François, qui a témoigné pour sa défense, il voulait seulement « vérifier des choses [check things] » et « parler avec [Belange] ». Ducakis François reconnaît avoir été présent sur les lieux, mais soutient avoir entendu un coup de feu de loin, alors qu’il était à l’extérieur de l’immeuble. Il nie aussi s’être accroupi près d’une voiture garée afin de se cacher.

Or, un témoin clé de la Couronne affirme avoir vu un homme rester accroupi près du véhicule pendant un bon moment juste avant le coup de feu. L’empreinte digitale de Ducakis François a d’ailleurs été trouvée sur la carrosserie, non loin du sol. L’accusé soutient s’être peut-être penché pour ramasser quelque chose au sol, afin d’expliquer cette empreinte.

« Qu’est-ce qu’il faisait accroupi derrière la voiture si ce n’est que pour surprendre la victime ? […] Vous pouvez conclure qu’il se cachait stratégiquement derrière la voiture », a souligné au jury le procureur de la Couronne. La version de Ducakis François est « invraisemblable et défie le bon sens », a ajouté MFerguson. Notons que l’autre accusé n’a pas témoigné.

Le procureur relève que les deux accusés ont échangé de nombreuses communications téléphoniques, alors qu’ils étaient pourtant au même endroit. En parallèle, l’escorte Chloé Langlois échangeait avec la victime. À peine deux minutes se sont écoulées entre le dernier message texte des accusés et l’appel au 911. « Ces faits ne font-ils pas partie d’un plan plutôt clair de faire une mauvaise partie à M. Belange ? », a plaidé MFerguson.

Moins de 24 heures plus tard, Willy Junior St-Jean a recherché à plusieurs reprises sur l’internet de l’information sur un « meurtre ». « Quel est le but de cette recherche ? Il est possible que l’auteur du meurtre ait voulu se renseigner pour voir si des informations pourraient le rattacher au crime », a suggéré le procureur.

Quatre mois plus tard, Willy Junior St-Jean publie sur Facebook une photo le montrant avec Ducakis François et d’autres hommes. Dans son message, il écrit : « I redrum » pour mes frères. Un terme qui « réfère implicitement au meurtre de M. Belange », selon la poursuite, puisque « redrum » signifie « murder », soit meurtre en anglais. Il s’agit d’une expression rendue célèbre par le film The Shining, de Stanley Kubrick.

« Je tue pour mes frères. N’est-ce pas exactement ce qu’il a fait le soir du 29 août 2017 ? Demandez-vous si Willy Junior St-Jean ne se vante pas d’avoir tué Valery Belange pour le compte de son ami Ducakis François. C’est à vous de décider », a plaidé MFerguson.

Le juge Daniel Royer devrait terminer ses directives au jury vendredi. Les jurés seront ensuite séquestrés pour leurs délibérations. Ils doivent être unanimes afin de rendre un verdict.

MPierre-Olivier Bolduc fait équipe avec MFerguson pour la Couronne, alors que MMarion Burelle représente Ducakis François. MMaxime Chevalier défend Willy Junior St-Jean.