(Miramichi) Le chef d’une Première Nation du Nouveau-Brunswick dit que l’Autochtone tué par la GRC était un homme perturbé, mais pas violent.

Bill Ward, de la nation micmaque Metepenagiag, soutient que Rodney Levi n’aurait pas dû devenir la deuxième personne à être tuée par des policiers en moins d’un mois au Nouveau-Brunswick.

« Il avait ses démons, mais il était toujours très amical. Il n’a jamais essayé de faire de mal à personne », a raconté M. Ward lors d’un évènement émotionnel sur Facebook, samedi.

M. Ward a relaté que M. Levi l’avait visité vendredi et avait parlé de déménager à Fort McMurray, en Alberta, pour relancer sa vie.

Il a ajouté que M. Levi avait récemment tenté d’obtenir une évaluation de sa santé mentale dans un hôpital local, mais qu’il avait été refusé. Le chef autochtone a aussi dit que la victime avait eu du mal à dormir dans les jours précédant la tragédie.

« Ce n’est pas un homme violent. Il a peut-être braconné du saumon, mais c’est tout », a insisté M. Ward.

La GRC a été appelée après que M. Levi s’est rendu à un barbecue avec la famille du ministre dans son église dans le but d’obtenir de l’aide et des conseils.

M. Ward a raconté que la police lui avait dit que Levi avait deux couteaux dans son pull et avait menacé les agents.

Selon lui, Levi a été abattu par un policier inexpérimenté.

« [M. Levy] n’était pas dans le bon état d’esprit à ce moment-là. Ce n’était pas une personne violente, donc pour moi, ce que ça dit, c’est que si l’on souffre de maladie mentale et qu’on connaît avez une mauvaise journée, les flics peuvent tuer à cause de cela », a déploré M. Ward.

« Je veux juste préserver sa mémoire et ne pas laisser les gens déformer l’histoire pour justifier ce qu’ils ont fait », a-t-il déclaré, prenant plusieurs pauses afin de retrouver son calme.

Selon la GRC, des policiers ont répondu à 19 h 40 (heure locale) à une plainte faisant état de la présence non désirée d’un homme dans une maison à l’extérieur d’une localité

« Quand les policiers sont arrivés, ils ont été confrontés par un homme portant des couteaux », a raconté une porte-parole de la GRC, la caporale Jullie Rogers-Marsh.

Elle a ajouté que les agents ont tenté sans succès de le neutraliser à l’aide d’une arme à impulsion électrique.

Un agent a alors fait usage de son arme à feu. La mort de l’homme a été constatée dans un hôpital vers 21 h.

Il s’agit de la deuxième personne autochtone tuée par des policiers au Nouveau-Brunswick depuis le début du mois.

Chantel Moore, une femme âgée de 26 ans, est morte le 4 juin, après que la police fut arrivée chez elle. Il y avait une demande pour vérifier si elle allait bien. Les autorités soutiennent que l’agent s’est senti menacé par une femme armée d’un couteau.

La famille de la victime doute de cette version.

« Le racisme est partout. C’est comme un virus, c’est comme la COVID-19. C’est comme ça que je vois le racisme. Il surgit dans nos collectivités et tue des jeunes et des vieux », a commenté le chef régional de l’Assemblée des Premières Nations du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard Roger Augustine.

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Le chef régional de l’Assemblée des Premières Nations du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard Roger Augustine.

Selon lui, le racisme systémique n’est pas du seul lot de la GRC.

« Ce n’est pas non plus le lot de n’importe quel gouvernement de n’importe quel pays. Le racisme systémique est une question à laquelle doit se confronter toute la collectivité. Dans ce cas-ci, il s’agit de tout le Nouveau-Brunswick. Le racisme existe chez tous les peuples. Le racisme, c’est juger les autres. Quand on marche dans la rue et qu’on voit quelqu’un qu’on n’aime pas, on juge ces vêtements, la couleur de sa peau. C’est du racisme. »

BEI

Le Bureau des enquêtes indépendantes du Québec s’occupe de ces deux affaires.

Dans un communiqué publié samedi, le BEI dit « avoir accepté, à la demande des autorités du Nouveau-Brunswick, la prise en charge d’une enquête sur les circonstances entourant le décès d’un homme de 48 ans à Miramichi lors d’une intervention policière de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) ».

Le BEI ajoute qu’il sera de sa responsabilité « d’assurer les communications avec les membres de la famille de la personne décédée et de leur communiquer toute information pertinente relative au processus d’enquête dans la mesure où cela ne nuit pas à l’enquête ».

« Le représentant désigné par la famille est libre de partager cette information ou non », souligne le BEI.

Il remettra son rapport au coroner responsable de cette enquête au Nouveau-Brunswick, ainsi qu’au Service des poursuites publiques du Nouveau-Brunswick qui déterminera s’il y a lieu de déposer des poursuites criminelles contre les policiers impliqués.

La mort de M. Levi a provoqué des réactions pleines d’émotions.

« Mon pote Rodney Levi, mon ami d’enfant… J’ai les yeux pleins de larmes en songeant à ce qu’il vient de se passer, a écrit Dwayne Everett Ward. Atteint deux fois par la police. Je prie pour toute ta famille. Je sais qu’elle souffre présentement. Je suis si bouleversé. »

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick a offert ses condoléances « aux familles, aux amis et aux collectivités éprouvées » par cette mort.

« C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris qu’un incident survenu dans la Première Nation de Metepenagiag hier soir, a coûté la vie à un homme », a-t-il écrit sur Twitter.

Plusieurs ont demandé une vaste enquête pour examiner le racisme systémique contre les Autochtones dans l’ensemble du système judiciaire de la province.

Le ministre des Affaires autochtones de la province, Jake Stewart, a admis la semaine dernière l’existence du problème et souhaité une enquête à ce sujet.

Marches de guérison

Des groupes autochtones ont organisé des « marches de guérison » qui se sont simultanément déroulées à Edmundston, à Fredericton et à Moncton, au N. – B., ainsi qu’à Halifax et à Membertou, en Nouvelle-Écosse.

Ces manifestations étaient initialement prévues pour honorer la mémoire de Mme Moore.

Environ 500 personnes sont arrivées à la destination de la manifestation de Halifax : le quartier général de la police de la ville.

Quelques manifestants portaient une pancarte réclamant l’abolition des services de police.

L’organisatrice Raven Davis a déclaré à la foule que la petite fille de Mme Moore se souviendrait de la mort de sa mère chaque fois qu’elle verrait un véhicule de police.

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La mère de Chantel Moores, Martha Martin, à gauche, et la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, Brenda Murphy.

« La petite Chantel ira au lit sans recevoir un câlin [de sa mère]. Plus important encore, elle n’aura jamais l’occasion de connaître la résilience, la force et la beauté de sa mère », a-t-elle dit.

Les organisateurs ont employé le mot « Ikatomone » (qui pourrait se traduire par « Protégeons notre mode de vie, nos langues, nos cérémonies, nos droits à déclarer justice ») pour décrire ces marches.

« Des gens disent des choses au cours de ces rassemblements. Il est important que des gens comme vous et moi y prêtent attention, a souligné M. Augustine. Ils le font de la bonne façon. On doit calmer son esprit, calmer son cœur. C’est la seule façon pour tourner la page. J’admire véritablement la résilience de notre peuple. »