Au ralenti depuis la mi-mars, le système de justice s’apprête à reprendre sa vitesse de croisière cette semaine. Les observations sur la peine du meurtrier Ugo Fredette s’amorcent lundi matin au palais de justice de Saint-Jérôme pour déterminer s’il devra passer au moins 50 ans derrière les barreaux. Une première cause d’envergure en cette nouvelle ère judiciaire.

Le 11 mars dernier, à l’aube de la crise sanitaire, une vingtaine de journalistes, avocats et proches des victimes d’Ugo Fredette s’étaient entassés dans une grande salle du palais de justice pour le retour en cour du meurtrier. Presque trois mois plus tard, les audiences sur la peine d’Ugo Fredette vont se dérouler dans un système judiciaire transformé par la crise.

De strictes mesures de distanciation seront imposées aux journalistes et au public autorisé à assister à l’audience. Ceux-ci devront ainsi suivre l’action par vidéo depuis une salle du palais de Saint-Jérôme, alors que la juge Myriam Lachance, le détenu et les avocats seront dans une salle adjacente.

Les avocats et les journalistes qui ne peuvent pas se déplacer pourront assister à l’audience depuis leur bureau grâce à une plateforme web déployée à la vitesse grand V par Québec. Ces salles de cour « virtuelles » relevaient carrément de la science-fiction avant la crise, alors que le papier régnait en roi et maître dans des palais à la technologie vétuste.

Le ministère de la Justice compte maintenant beaucoup sur ces salles « virtuelles » pour permettre la reprise progressive des activités judiciaires à partir de ce lundi. Depuis la mi-mars, pratiquement aucun procès n’a eu lieu dans la province, puisque seules les causes urgentes étaient autorisées, comme des comparutions ou des enquêtes sur remise en liberté. Le problème reste toutefois entier pour les nombreux procès devant jury reportés à l’automne.

Psychiatres et débat constitutionnel

Au terme de son procès fortement médiatisé l’automne dernier, Ugo Fredette a été reconnu coupable des meurtres au premier degré de sa conjointe Véronique Barbe et du septuagénaire Yvon Lacasse, tué pendant sa cavale avec un enfant en septembre 2017.

L’homme de 44 ans devrait en principe être condamné à la prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ans pour ces deux meurtres. Or, le procureur de la Couronne, Me Steve Baribeau, réclame l’application de la loi sur les peines consécutives afin d’accroître à 50 ans la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle d’Ugo Fredette.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Me Steve Baribeau, procureur de la Couronne

Adoptée sous les conservateurs en 2011, la Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples permet aux tribunaux d’ordonner que les périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle soient purgées de façon consécutive pour chaque meurtre.

Les avocats de la défense, Me Louis-Alexandre Martin et Me Philippe Comptois, s’attaquent toutefois à la constitutionnalité de cette loi. Ils ne sont d’ailleurs pas les premiers à le faire, puis cette question est au cœur de l’appel du tueur de la mosquée de Québec Alexandre Bissonnette, condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans. La Cour d’appel a pris l’affaire en délibéré en janvier dernier.

Mais les observations sur la peine ne porteront pas seulement sur un débat constitutionnel, mais également sur la personnalité d’Ugo Fredette. Les psychiatres Gilles Chamberland pour la poursuite et Louis Morissette pour la défense devraient témoigner cette semaine pour brosser le portrait du meurtrier.

« [Le rapport du Dr Chamberland] va être sur la dangerosité [de Fredette], le genre de personnalité de l’accusé, à qui on a affaire », avait expliqué à la cour Me Steve Baribeau en mars dernier. D’autres témoins devraient être entendues pendant les audiences prévues toute la semaine devant la juge Lachance.