Après plus de 20 ans de déchirements entre les héritiers du fondateur de Québecor Pierre Péladeau, Anne-Marie Péladeau pourra finalement mettre la main sur toute sa part de l’héritage de son père. Pierre Karl Péladeau entend toutefois faire appel de la décision qui l'oblige à verser des dizaines de millions de dollars à sa soeur.

« Le moment est donc venu de déposer les armes et de mettre un terme à cette affaire », a conclu le juge Gérard Dugré.

La Cour supérieure du Québec a condamné jeudi Les Placements Péladeau – société dont Pierre Karl Péladeau est l’actionnaire de contrôle – à verser 36 millions de dollars à Anne-Marie Péladeau, en plus des intérêts et des frais d’expertise. La femme de 55 ans réclamait 88,5 millions dans le cadre de ce litige qui remonte à l’an 2000.

« La paix familiale est un élément essentiel du bonheur auquel chacune des parties aspire. Le présent procès aura permis à tous de comprendre qu’Anne-Marie souffre d’une maladie particulièrement pernicieuse. Or, personne ne choisit d’être malade et cela, son regretté père l’avait bien compris. Pierre Karl le comprend maintenant », soutient le juge Dugré dans son jugement-fleuve.

L’affaire remonte au décès de Pierre Péladeau en 1997. Plongés dans une « mésentente profonde », les héritiers Pierre Karl, Érik et Anne-Marie en sont finalement arrivés à une entente en 2000 pour régler leur litige sur la succession. Les deux frères offraient plus de 50 millions à leur sœur pour obtenir ses parts de l’entreprise familiale. Celles-ci valent maintenant 900 millions de dollars.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Karl Péladeau

Or, au moment du procès en avril 2019, Anne-Marie Péladeau n’avait reçu que 16 millions de cette somme en raison d’une interprétation divergente de l’entente de la part du grand patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, et son frère Érik. Selon ces derniers, aucun versement n’était nécessaire si Québecor versait des dividendes annuels de moins de 4,2 millions de dollars à leur société.

Pour démontrer l’absurdité de cette interprétation, le juge souligne qu'Anne-Marie Péladeau « pourrait devoir attendre une éternité avant de "peut-être" recevoir le paiement du prix de vente qui lui est dû » alors que Les Placements Péladeau est en possession du magot depuis octobre 2000.

« Le tribunal est convaincu qu’Anne-Marie [Péladeau] n’aurait jamais signé le Protocole s’il avait été clair qu’il soit possible qu’elle ne reçoive jamais le paiement du prix de vente si des dividendes suffisants n’étaient pas versés à [Les Placements Péladeau] par Québecor », soutient le juge.

« Malade », Anne-Marie Péladeau a le « droit de recevoir de son vivant le prix de vente des biens qu’elle a vendus en l’an 2000 », tranche le juge. Notons que la femme de 55 ans a été mise sous tutelle en 1993, alors qu’elle avait des problèmes de toxicomanie.

Pierre Karl et Érik Péladeau ont fait part par communiqué de leur « grande déception » à la suite de la décision et plaident que leur société n’a fait que « respecter l’entente » conclue à l'époque. « [Ils] estiment en conséquence que la décision rendue hier est clairement entachée d'erreurs importantes et que dans les circonstances, ils n'ont d'autres choix que porter ce jugement en appel afin d'en contester les conclusions », indique-t-on.

Notons par contre que le juge ordonne dans sa décision « l’exécution provisoire nonobstant appel de la conclusion » dans un délai de 60 jours.