(Ottawa) Les parlementaires se sont prêtés à un exercice peu productif, mardi matin, alors qu’un comité a entamé l’étude des circonstances qui ont mené au meurtre de Marylène Lévesque.

Les dirigeantes du Service correctionnel et de la Commission des libérations conditionnelles se sont réfugiées, à répétition, derrière la tenue d’enquêtes en cours, dont une enquête de la police de Québec, pour ne pas commenter spécifiquement le dossier d’Eustachio Gallese.

Le 22 janvier dernier, l’homme, en semi-liberté, a tué la jeune femme, rencontrée grâce à une permission obtenue au printemps précédent de fréquenter des « établissements de massages érotiques ». Cette permission, donnée par son agente de libération conditionnelle, lui avait été retirée par la Commission des libérations conditionnelles en septembre.

À son procès, en février, Gallese a reconnu avoir fait fi de cette interdiction et il a plaidé coupable aux accusations de meurtre au premier degré.

La commissaire du Service correctionnel du Canada, Anne Kelly, a assuré devant le comité parlementaire qu’elle n’avait jamais vu pareille permission donnée, au cours de sa carrière.

« Je vais être très claire. Le service n’approuve pas que les délinquants aient recours à des services sexuels. […] J’en suis à ma 37e année au service et je peux affirmer, avec certitude, que ce n’est pas une pratique que nous appuyons en tant qu’organisation, en ce qui a trait à la façon dont nous gérons les délinquants », a insisté Mme Kelly.

Elle n’a pas voulu, ou pu, dire ce qui a conduit une de ses employées à accorder cette permission à Gallese, un homme qui purgeait une peine de meurtre au deuxième degré pour avoir tué son ex-conjointe en 2004. Elle a confirmé que l’agente en cause ne supervise plus aucun délinquant, en attendant les conclusions des enquêtes.

« Je ne peux pas parler du cas précis », a répété encore et encore Mme Kelly en réponse aux questions des députés.

On a quand même réussi à apprendre qu’elle n’a été mise au courant de la permission donnée, puis retirée à Gallese, qu’après le meurtre de Mme Lévesque.

On a aussi pu savoir que c’est un intervenant clinique, employé de la maison de transition où habitait l’homme en semi-liberté, qui était chargé de surveiller son respect des conditions de sa libération. Mme Kelly ignorait donc à quelle fréquence cet « intervenant clinique » avait des contacts directs avec le délinquant, cette personne n’étant pas à l’emploi du Service correctionnel.

La présidente de la Commission des libérations conditionnelles, Jennifer Oades, pour sa part, a rappelé à plusieurs reprises que chaque décision de commissaire est une décision « indépendante », prise selon les règles et en ayant à l’esprit la protection du public.

« Prédire le comportement humain n’est pas […] une science exacte », a-t-elle senti le besoin de souligner.

Pourquoi les commissaires n’ont-ils pas retiré sa liberté à l’homme lorsque, en septembre 2019, ils ont appris qu’il utilisait une « permission » d’aller voir des prostituées ?

« Au bout du compte, c’est une décision indépendante, a répondu Mme Oades. Ils ont pris toute l’information disponible et une décision a été prise. Je ne suis pas ici pour la justifier. Je ne suis pas ici pour la condamner. »

Deux heures de comité

En deux heures d’interrogatoire, les élus ont souvent utilisé le temps qui leur était alloué pour attaquer leurs adversaires politiques. Conservateurs et libéraux ont ainsi multiplié les attaques partisanes, alors que l’étude en comité doit servir à connaître les circonstances qui ont conduit au drame de janvier.

Il reste une dizaine d’autres heures pour compléter cette étude. Les conservateurs ont l’intention de convoquer l’agente de libération conditionnelle et les deux commissaires qui ont eu à gérer le dossier de Gallese.

« Ça va prendre des réponses et la première journée n’est pas très satisfaisante », s’est désolée la députée bloquiste Kristina Michaud, à la fin de la réunion du comité.