Près de trois ans après qu’un incendie criminel eut éclaté dans le Complexe funéraire Loreto, propriété des familles Rizzuto-Renda, l’un des incendiaires a été condamné à une peine de 18 mois la semaine dernière, au Palais de justice de Montréal.

Mais au-delà de la peine, l’enquête policière qui a mené à l’arrestation de l’individu et de ses complices est fascinante, et l’écoute électronique effectuée durant celle-ci constitue un véritable cours d’incendies criminels 101.

L’incendiaire, Ebamba Ntudu Lufiau, 31 ans, purge déjà une peine de huit ans de pénitencier pour avoir conduit le véhicule qui a servi au meurtrier d’un client innocent d’un café de la rue Fleury, Angelo D’Onofrio, tué le 2 juin 2016.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Ebamba Ndutu Lufiau

Lufiau faisait face à d’autres accusations, dont trois pour des incendies criminels ; le premier commis le 12 décembre 2016, dans un immeuble appartenant à un membre de la famille du mafioso Marco Pizzi, sur le boulevard Maurice-Duplessis, le second allumé le 5 janvier 2017, dans un salon de coiffure appartenant à la femme d’un responsable des paris sportifs de la mafia à Laval, et enfin celui du complexe funéraire Loreto, allumé le 27 avril de la même année.

Vendredi dernier, Lufiau a décidé de régler tous ses dossiers et il a été condamné à une peine de 30 mois, qui s’ajoute à celle de huit ans déjà prononcée. Ces 30 nouveaux mois incluent une peine de 18 mois pour les trois incendies criminels.

« Fumer » des places

L’enquête policière menée par les enquêteurs des Crimes majeurs de la police de Montréal, baptisée Mazout, a été lancée après le meurtre de M. D’Onofrio au café Hillside, en juin 2016.

Les policiers ont utilisé tous les moyens d’enquête à leur disposition, notamment l’écoute électronique, la filature, des moyens de localisation mais aussi l’utilisation d’un agent d’infiltration (AI) qui a été planté dans l’entourage de Lufiau de façon originale, non sans un certain déploiement, mais dont les détails n’ont pas été révélés en cour.

Ce policier agent double, qui s’est fait passer pour un homme ayant des liens avec le crime organisé à la recherche d’individus pour effectuer des contrats, portait un système portatif d’enregistrement chaque fois qu’il rencontrait Lufiau, selon un résumé de la preuve déposé en cour.

Le 30 mars 2017, les deux hommes ont discuté dans un restaurant du boulevard des Galeries d’Anjou.

Lufiau a dit à l’ACI qu’il « fume », c’est-à-dire qu’il brûle des places, et « que c’est plus compliqué depuis maintenant, car les fusées de détresse ne sont plus en vente dans les commerces comme le Canadian Tire ».

Il a également affirmé qu’il n’aime pas porter des gants, « parce que lorsqu’il porte des gants, ils peuvent brûler, et laisser des traces d’ADN ». Il a utilisé l’expression « mouiller » une place, c’est-à-dire verser de l’essence.

Lufiau a ajouté que c’est plus difficile d’allumer des feux dans des restaurants comme celui dans lequel ils sont attablés, « à cause des gens et des caméras ». Il a dit qu’il faut alors changer la plaque de la voiture, et utilisera l’expression « changer le cul » de la voiture dans une autre conversation.

Ebamba Lufiau a dit préférer faire des places comme les cafés et ne pas aimer travailler avec des cocktails Molotov, « car ça sent l’essence dans la voiture ».

Il a expliqué que les gars doivent s’habiller avec des vêtements amples, pour en cacher d’autres en dessous, et se changer dans la voiture, après le crime.

Lufiau a également raconté être parfois présent sur une scène, avec un walkie talkie, pour être à l’écoute des sirènes des véhicules de police ou d’incendie, pour prévenir ses hommes de leur arrivée, et toujours passer sur place après le crime, pour être certain que le travail a bel et bien été fait.

Enfin, il a dit connaître des gars « qui font des contrats des fois pour des Italiens et des fois pour des motards », et a dit croire que son « heure est venue », car il travaille bien.

Gants compromettants

Grâce à divers moyens d’enquête, les policiers ont retrouvé des images de Lufiau, alors qu’il a acheté des gants dans une station-service. Les policiers ont acheté les mêmes gants et les ont comparés à ceux trouvés sur l’une des scènes de crime : ils étaient identiques.

Trois personnes ont participé à l’incendie du Loreto. Sur place les policiers ont découvert des bidons de liquide lave-glace contenant de l’accélérant et un morceau de ciment qui a vraisemblablement servi à fracasser une vitrine. Les bidons étaient dans des sacs de poubelle noirs fondus. Selon la preuve, le feu aurait été allumé avec un long briquet.

Ebamba Lufiau a finalement été arrêté en compagnie de sept autres individus en juin 2017, un an après le meurtre de M. D’Onofrio. Deux parmi ceux-ci, accusés d’avoir allumé des incendies, dont celui au Loreto, ont déjà été condamnés et les procédures se poursuivent pour un quatrième accusé.

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