Une mère dont le tribunal avait estimé la semaine dernière qu’elle « avait des raisons de craindre pour sa sécurité » et ses deux fils, âgés de 2 et 4 ans, ont été trouvés sans vie hier par des policiers dans une résidence de l’est de Montréal, dans ce qui semble être un triple meurtre.

Le père de la famille, Nabil Yssaad, 46 ans, séparé de son ex-femme, Dahia Khellaf, 42 ans, se serait donné la mort la veille. Il s’était fait ordonner par le tribunal de ne pas s’approcher de Mme Khellaf, qui a plusieurs fois porté plainte contre lui, car elle craignait pour sa sécurité.

Les policiers s’étaient rendus mercredi matin au domicile de Mme Khellaf, au 766, place des Pointeliers, pour lui annoncer la mort de son ex-mari. L’homme avait mis fin à ses jours la veille en sautant du sixième étage du Centre hospitalier de Lanaudière (CHDL), près de Joliette. C’est à ce moment qu’ils ont constaté qu’un triple meurtre s’était produit.

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Les policiers se sont rendus au 766, place des Pointeliers, à Pointe-aux-Trembles, mercredi. 

Mercredi, les gens qui connaissaient l’ex-couple étaient abasourdis par la nouvelle du drame. Les voisins se souviennent de Dahia Khellaf comme d’une mère attentionnée et aimante, qui jouait souvent dehors avec ses fils durant l’été.

« La mère et les garçons avaient l’air heureux, a indiqué Ilyass Oudadsse, le voisin immédiat de la maison où s’est produit le drame. Le père, il avait un tempérament distant. Il lui arrivait d’insulter des voisins, dont mon père. Ça détonnait avec le quartier, car tout le monde ici se parle et s’entend bien avec les autres. »

Les policiers se sont rendus « au moins cinq ou six fois » au domicile au cours des deux dernières années. « Ils y allaient pour des disputes conjugales. Je sais que le père est aussi parti plusieurs fois avec ses enfants », a ajouté M. Oudadsse, qui précise que la famille a emménagé dans la résidence il y a environ deux ans.

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Dahia Khellaf

Accusations de voies de fait

Originaire d’Algérie, Dahia Khellaf travaillait dans une institution bancaire de Montréal, a-t-on appris. Son mariage avec Nabil Yssaad aurait été arrangé par des membres de sa famille alors qu’elle était elle-même établie au Québec. Nabil Yssaad, lui aussi originaire d’Algérie, a travaillé durant de nombreuses années en Allemagne dans le secteur industriel avant de venir rejoindre Dahia Khellaf au Québec.

Selon nos informations, M. Yssaad et Mme Khellaf se seraient fréquentés durant une courte période avant de se marier en 2012. En 2018, la femme aurait entamé des procédures de divorce.

Dahia Khellaf soupçonnait son mari de souffrir de problèmes de santé mentale. Elle trouvait qu’il se sentait persécuté et qu’il avait beaucoup changé depuis un accident de travail survenu en 2016.

La Presse a pu constater dans des documents judiciaires que Nabil Yssaad avait été accusé l’an dernier de voies de fait armées contre Dahia Khellaf. La semaine dernière, il a été acquitté de ce crime, mais a dû signer un engagement à garder la paix, à ne pas posséder d’arme et, surtout, à ne pas s’approcher à moins de 100 mètres de Mme Khellaf, et ce, pendant 12 mois. Il devait respecter des conditions similaires tout au long des procédures judiciaires, depuis sa mise en accusation en août 2018.

« La victime a et avait des raisons de craindre pour sa sécurité », peut-on lire dans le procès-verbal du dernier passage en Cour du Québec de l’homme, la semaine dernière.

Fateh Slamani, qui connaissait Nabil Yssaad depuis environ deux ans, a confié à La Presse les impressions qu’il a eues lors de sa dernière rencontre avec celui qu’il considérait comme un ami.

La dernière fois que j’ai vu Nabil, c’était il y a un mois environ et j’ai trouvé qu’il avait l’air d’un homme détruit. C’était un homme préoccupé. Il ne pouvait plus voir sa femme et ses enfants, et il parlait de ça constamment. Ça ne s’arrangeait pas.

Fateh Slamani, ami de Nabil Yssaad

M. Slamani a dit avoir rencontré Nabil Yssaad pour la première fois il y a deux ans. « Je l’ai invité à monter, a-t-il poursuivi. Nous avons discuté. Il cherchait à louer un appartement, car il se séparait d’avec sa femme. Il disait qu’ils ne s’entendaient plus. » Nabil Yssaad a finalement trouvé un logement rue Descartes, à Saint-Léonard.

Nabil Yssaad a travaillé dans le secteur industriel chez Allunique Systèmes Ltée, à Laval. Il a été victime d’un accident de travail au bras droit en soulevant seul un paquet de croisillons, le 19 octobre 2016. Il avait quitté son emploi et touchait une indemnité liée à cet incident après une décision du Tribunal administratif du travail rendue en 2017 lui ayant été favorable.

M. Slamani dit n’avoir eu aucune raison de soupçonner que Nabil Yssaad pouvait être violent. « Nabil, il était grand, c’était un géant. Avec moi et ma famille, il a toujours été gentil et attentionné. Il parlait constamment de ses enfants. »

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Nabil Yssaad

Suicide à Joliette

On ignore toujours pourquoi Nabil Yssaad s’est présenté au Centre hospitalier de Lanaudière (CHDL) vers 10 h 20 mardi. Selon nos informations, l’homme est entré dans l’établissement de santé et, sans se rendre au triage des urgences, il s’est rendu au sixième étage. Il aurait retiré la moustiquaire d’une fenêtre pour sauter dans le vide. On croit qu’il s’y est rendu parce que l’immeuble compte plusieurs étages.

« La personne qui s’est suicidée au CHDL [mardi] n’est pas un patient de notre établissement ni un membre du personnel », note Pascale Lamy, adjointe au PDG – relations publiques et chef du service des communications par intérim au Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière

Après le drame, les responsables de l’hôpital ont communiqué avec les policiers de la Sûreté du Québec, qui ont à leur tour alerté leurs collègues du Service de police de la Ville de Montréal pour que ceux-ci avisent les membres de sa famille de la mort de M. Yssaad. Ces derniers se sont rendus à la résidence familiale de la place des Pointeliers, dans le quartier Pointe-aux-Trembles, mais ils n’ont eu aucune réponse et ont quitté les lieux.

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Mercredi, les policiers ont découvert les corps de Dahia Khellaf et de ses deux fils, Askil, 2 ans, et Adam, 4 ans. 

Les policiers sont retournés à la résidence vers 8 h mercredi matin. Ils n’ont encore obtenu aucune réponse, mais cette fois, ils sont entrés dans la maison et ont découvert les corps de Mme Khellaf et des deux fils du couple, Askil, 2 ans, et Adam, 4 ans. Selon nos informations, les trois victimes auraient été étranglées. Il semble que les corps se trouvaient sur un lit lorsque les policiers les ont découverts.

Cette tragédie rappelle un crime semblable survenu à la fin du mois d’octobre, quand un père avait assassiné ses deux jeunes enfants avant de mettre fin à ses jours dans leur maison située dans l’est de Montréal.

— Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron et David Santerre, La Presse

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