(Saint-Jérôme) Deux familles tissées serré ont été libérées d’un énorme poids samedi. Le verdict implacable du jury au procès d’Ugo Fredette a provoqué l’extase chez les proches de Véronique Barbe et d’Yvon Lacasse. « On est tellement heureux ! Ça fait deux ans qu’on attend ça. C’est comme une libération », a confié la mère de Véronique Barbe.

Au terme de trois jours de délibérations et de six semaines de procès, les 12 jurés ont reconnu coupable Ugo Fredette des meurtres au premier degré de sa conjointe Véronique Barbe et d’Yvon Lacasse, un septuagénaire croisé pendant sa cavale avec un enfant. L’homme de 44 ans a écopé automatiquement de la prison à vie et risque maintenant une peine minimale de 50 ans de détention.

Véronique Barbe

Au prononcé du verdict pour le meurtre de Véronique Barbe, une femme a bondi de son siège et a commencé à applaudir, en pleurs. Les proches des victimes, qui ont assisté à tout le procès, ont ensuite éclaté en sanglots, s’enlaçant dans la salle d’audience. L’accusé, pour sa part, est resté impassible dans le box des accusés.  

« M. Fredette s’est créé une [vérité]. Mais personne ne l'a cru aujourd’hui », a résumé Jennifer Lacasse, la fille d’Yvon Lacasse. Avec un tel verdict, la Couronne a donc réussi à convaincre les 12 jurés qu’Ugo Fredette a eu l’intention, le 14 septembre 2017, de tuer Véronique Barbe dans leur résidence de Saint-Eustache et Yvon Lacasse à la halte routière de Lachute.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Yvon Lacasse

Bouleversé, Daniel Barbe a rendu hommage à sa sœur Véronique, un véritable « rayon de soleil ». « Elle va pouvoir enfin partir en paix, parce qu’elle n’est pas partie de la bonne façon. On va pouvoir tourner la page. On va essayer. Ce n’est pas facile, elle nous manque beaucoup. C’est tellement une personne merveilleuse », a confié M. Barbe, en sanglotant.

« C’est vraiment ce qu’on attendait comme verdict et on a été exaucé », s’est réjoui Claudette, la mère de Véronique Barbe. « C’est sûr que moi, ça ne me redonnera pas ma fille, mais on peut maintenant avoir un peu plus de paix et de sérénité en dedans de nous. On va pouvoir prendre un nouveau départ, mais sans jamais oublier », a-t-elle déclaré en mêlée de presse.  

Le témoignage d’Ugo Fredette n’a donc pas réussi à soulever un doute raisonnable dans l’esprit du jury. L’accusé a martelé à la barre des témoins n’avoir jamais eu l’intention de tuer les deux victimes. Il faisait ainsi valoir une défense de « provocation » concernant la mort de Véronique Barbe. Selon sa version, sa conjointe l’a poussé dans l’escalier et l’a ensuite attaqué avec un couteau. L’accusé prétendait également s’être battu avec Yvon Lacasse pour « protéger » un enfant de six ans à la halte routière de Lachute.

« Le témoignage de M. Fredette était totalement farfelu et invraisemblable. Le jury a rejeté sa version. La qualité de la preuve était impressionnante, elle était très forte », a commenté Me Steve Baribeau, procureur de la Couronne, aux côtés de ses collègues, Me Alexis Marcotte-Bélanger et Karine Dalphond.

Jennifer Lacasse a eu le « cœur fendu » en entendant le récit de la défense au sujet de la mort de son père. Ugo Fredette prétendait avoir tenté de « protéger » un enfant des griffes d’Yvon Lacasse, 71 ans, et de l’avoir tué dans une bagarre. Mme Lacasse était sortie de la salle d’audience pendant l’exposé introductif de l’avocat de la défense Me Louis-Alexandre Martin.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Jennifer Lacasse

« Comment il a fait paraître mon père, c’est ça qui m’a fendu le cœur, vraiment. De semer le doute dans la tête des gens sur le bon cœur que mon père avait. Si ça a semé le doute dans la tête d’une seule personne, c’est ma plus grande peine… Mon père, c’était la bonté incarnée. Je n’ai pas manqué d’amour dans la vie. Mon père, c’était les câlins et les “je t’aime” », a dit Jennifer Lacasse.  

Les familles des victimes auront la chance de s’adresser à la cour dans les prochaines semaines. Me Martin n’a pas parlé avec les médias à sa sortie de la salle d’audience.

25 ou 50 ans ?

Ugo Fredette est ainsi condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Mais en vertu de la nouvelle loi sur les peines consécutives, le ministère public pourrait demander à la juge Myriam Lachance de cumuler les deux peines de meurtres et d’imposer une période de 50 ans avant l’admissibilité à la libération conditionnelle. La position de la Couronne n’est toutefois pas arrêtée sur la question.  

« On est vraiment en présence de deux transactions criminelles distinctes. C’est un des motifs majeurs dans l’analyse de cette décision. Ce sont deux séquences totalement différentes. Les deux victimes ne sont pas du tout reliées », a commenté Me Baribeau en mêlée de presse.  

Ugo Fredette était incapable d’accepter sa rupture imminente avec sa conjointe des dernières années. Devant deux jeunes enfants, il a ainsi poignardé Véronique Barbe à 17 reprises, avec deux couteaux différents, et l’a abandonné dans la cuisine de leur résidence de Saint-Eustache. Il a pris soin de fermer les rideaux et de barrer les portes avant de prendre la fuite avec un enfant de six ans au volant du camion de son employeur.

Pour en arriver à ce verdict de meurtre au premier degré pour Véronique Barbe, le jury ne devait pas seulement croire à l’intention meurtrière d’Ugo Fredette. Il devait également être convaincu hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait harcelé criminellement Véronique Barbe ou avait séquestré celle-ci pendant le meurtre. Le jury devait croire unanimement à l’un ou l’autre, ou les deux, pour conclure au meurtre au premier degré.

Environ une heure après avoir tué Véronique Barbe, Ugo Fredette s’est arrêté à une halte routière de Lachute. Il a alors battu à mort Yvon Lacasse dans le stationnement. Huit minutes plus tard, il est reparti avec le véhicule du septuagénaire sans histoire. L’accusé s’est ensuite débarrassé du corps dans un chemin forestier avant de reprendre sa fuite jusqu’en Abitibi. Il a été retrouvé seulement quelques jours plus tard.

Pour le meurtre d’Yvon Lacasse, le jury devait conclure à la préméditation du crime ou à la séquestration de l’enfant pour rendre un verdict de meurtre au premier degré.  

La plus longue alerte AMBER de l’histoire du Québec s’est finalement conclue le lendemain par une poursuite policière en Ontario. Mis en joue par deux policiers, Ugo Fredette a alors utilisé l’enfant comme bouclier humain en le menaçant avec un bâton. Les policiers ont dû tirer plusieurs coups de pistolet à impulsion électrique pour le maîtriser. Il est détenu depuis.