(Saint-Jérôme) Le sort d’Ugo Fredette est maintenant entre les mains de neuf hommes et trois femmes. Au terme de six semaines de procès, les jurés ont été isolés mercredi après-midi pour amorcer leurs délibérations. Ils devront déterminer si Ugo Fredette a commis les meurtres au premier degré de sa conjointe Véronique Barbe et du septuagénaire Yvon Lacasse, le 14 septembre 2017.

Dix-neuf jours d’audience devant jury, trente-deux témoins et des centaines de photos. Le procès fortement médiatisé d’Ugo Fredette se déroule depuis un mois et demi dans une salle d’audience remplie de curieux et de proches des victimes au palais de justice de Saint-Jérôme devant la juge Myriam Lachance.

Attentif et studieux dans le box des accusés, voire impassible, Ugo Fredette a pris des notes pendant l’entièreté du procès. Dans la dernière ligne droite du procès, l’homme de 44 ans a présenté avec conviction sa version des faits au jury.

Il a admis avoir tué les deux victimes, mais a martelé n’avoir jamais eu l’intention de le faire. Il a toujours voulu « protéger » l’enfant qui a fait l’objet de la plus longue alerte AMBER des dernières années. Dans son récit, Ugo Fredette s’est posé en victime de sa conjointe, une femme malade qui ne cessait de l’insulter et de médire contre lui.

Dix-sept coups de couteau. Ugo Fredette a utilisé deux couteaux de cuisine pour tuer sa conjointe Véronique Barbe, parce qu’il n’acceptait pas leur rupture, plaide la Couronne. Il a ensuite fermé les rideaux de la porte-fenêtre, barré les portes et pris la fuite avec un enfant de six ans au volant du camion de son employeur afin de nuire au travail des policiers, allègue le ministère public.

Selon la Couronne, le meurtre de Véronique Barbe a été commis dans un contexte de harcèlement criminel. Même si le crime n’a pas été prémédité, le jury doit ainsi déclarer coupable Ugo Fredette de meurtre au premier degré en raison de ce harcèlement, estime le ministère public. Un meurtre au premier degré entraîne automatiquement une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

La preuve de poursuite montre que l’accusé a envoyé des dizaines de messages insistants à sa conjointe la veille du meurtre, à la suite d’une rencontre houleuse avec leur thérapeute de couple. Il y supplie Véronique Barbe de lui laisser une autre chance, tandis que celle-ci insiste pour qu’il cesse de lui écrire. Véronique Barbe lui fait aussi part de sa peur et de sa crainte d’être harcelée ou blessée par lui.

Le jury pourrait aussi déclarer coupable Ugo Fredette du meurtre au premier degré de Véronique Barbe en déterminant que cette dernière a été séquestrée pendant le meurtre. La Couronne soutient que l’accusé a restreint physiquement sa conjointe avant de la tuer alors qu’elle tentait de s’enfuir de la maison. Deux témoins ont d’ailleurs raconté avoir vu Véronique Barbe sur le balcon arrière tout juste avant sa mort.

Ugo Fredette, pour sa part, présente une défense de provocation. Il prétend que Véronique Barbe l’a poussé dans les marches et a ensuite tenté de le poignarder le soir fatidique. C’est à la suite de cette « provocation » qu’il a atteint son « point de rupture ». Il a témoigné avoir eu ensuite un épisode d’amnésie et avoir paniqué en voyant le corps de sa conjointe, un couteau dans la poitrine. Il est ensuite parti avec l’enfant sans savoir si Véronique Barbe était toujours en vie.

Le ministère public avance qu’Ugo Fredette a séquestré l’enfant pendant sa cavale qui s’est conclue avec un face à face sous haute tension avec des policiers ontariens, le lendemain des meurtres. Si le jury conclut que l’accusé avait l’intention de tuer Yvon Lacasse et que l’enfant a été séquestré dans la même suite d’évènements, il devra déposer un verdict de meurtre au premier degré.

Selon le procureur Me Steve Baribeau, Ugo Fredette a attiré Yvon Lacasse dans le stationnement de la halte routière de Lachute en défaisant les bouchons de ses deux pneus. Il a ensuite battu à mort l’homme de 71 ans pour lui voler son véhicule afin de semer les forces de l’ordre. Puis, il a jeté son corps dans un chemin forestier pour qu’il ne soit pas découvert.

Ugo Fredette maintient cependant avoir été attaqué par Yvon Lacasse à la halte routière lorsqu’il l’a surpris en train de s’emparer de l’enfant, alors qu’il était parti faire « ses besoins ». Les deux hommes se sont ensuite battus à l’intérieur du véhicule jusqu’à ce que l’accusé pratique une prise de judo pour mettre la victime au sol. Ugo Fredette était alors « hanté » par l’image persistante de sa « blonde ensanglantée ».

Dans ses directives, la juge Myriam Lachance a rappelé au jury qu’Ugo Fredette bénéficiait de la présomption d’innocence. C’est au ministère public de prouver hors de tout raisonnable qu’Ugo Fredette a commis les deux meurtres au premier degré.

Les douze jurés doivent arriver à une décision unanime pour rendre leur verdict. D’ici là, ils resteront isolés pendant toute la durée de leurs délibérations, même pendant la fin de semaine.

Trois verdicts s’ouvrent à eux pour les deux morts : meurtre au premier degré (préméditation, séquestration ou harcèlement), meurtre au second degré et homicide involontaire.

Me Steve Baribeau, Me Alexis Marcotte-Bélanger et Me Karine Dalphond représentent le ministère public, alors que Me Louis-Alexandre Martin défend Ugo Fredette.