Québec ordonne à la fonderie Horne de présenter dans les 60 prochains jours des mesures pour réduire rapidement l’exposition des résidants de Rouyn-Noranda à ses émissions de contaminants, dont l’arsenic, une substance cancérigène, a appris La Presse.

« Je vous invite à me revenir d’ici le 15 décembre 2019 avec une proposition de plan d’action », écrit dans une lettre datée d’hier le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, au directeur général de la fonderie, Yves Brouillette.

Cet ultimatum de Québec reprend ainsi la principale recommandation de la Direction de la santé publique (DSPu) de l’Abitibi-Témiscamingue, qui a dévoilé le 27 septembre son étude de biosurveillance sur l’imprégnation à l’arsenic, au plomb et au cadmium des jeunes enfants du quartier Notre-Dame de Rouyn-Noranda, où se trouve la fonderie.

« Des actions concrètes doivent être mises en place immédiatement par les acteurs clés afin que la population ne soit plus exposée de façon chronique à des émissions atmosphériques d’arsenic, de plomb et de cadmium », écrivait la DSPu dans son rapport.

L’étude de biosurveillance, réalisée à l’automne 2018 et dont les résultats préliminaires avaient été divulgués le printemps dernier, a révélé que les ongles des enfants du quartier Notre-Dame contiennent en moyenne quatre fois plus d’arsenic que les ongles d’enfants non exposés.

La DSPu rappelait par ailleurs que « la population de ce quartier est […] exposée simultanément à de multiples métaux qui peuvent agir de façon synergique et augmenter leur toxicité dans l’organisme ».

Pas de cible de réduction

Dans sa lettre, que La Presse a obtenue, le ministre Charette exige des actions « qu’il soit possible de réaliser à court terme », mais ne précise pas de cible de réduction, ce qui déçoit le comité Arrêt des rejets et émissions toxiques (ARET).

« Tant qu’il n’y aura pas de seuil, c’est l’entreprise qui va gérer sa propre baisse, car elle n’aura pas de contraintes », a déploré Valérie Fournier, co-porte-parole de l’organisation, jointe hier soir par La Presse.

« On vise des diminutions [et] on va juger ensuite si c’est suffisant », a expliqué à La Presse le directeur des communications du ministre, Jean-Bernard Villemaire, précisant que le plan d’action demandé est « en dehors » du processus de réduction des émanations en cours.

« En ce moment, dans le contexte, on incite l’entreprise à envisager d’autres solutions pour réduire [ses émanations] », dit-il.

En vertu de son attestation d’assainissement, la fonderie Horne, qui appartient à la multinationale Glencore, devra limiter ses émanations à 100 ng/m3 (nanogrammes par mètre cube) d’arsenic en 2021.

Pour l’instant, elle doit respecter une limite de 200 ng/m3, ce qui est 67 fois plus que la norme québécoise de 3 ng/m3, qui est aussi celle de l’Organisation mondiale de la santé.

Si la fonderie Horne peut émettre au-delà de la norme, c’est parce qu’elle était déjà en activité avant son entrée en vigueur, en 2011.

Limite québécoise exigée

Même s’il est conscient que la fonderie ne pourrait pas atteindre la norme québécoise en un claquement de doigts, le comité ARET aurait souhaité que ce soit tout de même la cible indiquée.

« Nous, on demande la norme ; si le Ministère ne demande pas 3 [ng/m3], on n’aura pas 3 », dit Valérie Fournier.

C’est d’ailleurs ce que réclame une pétition en ligne sur le site de l’Assemblée nationale, et ce, d’ici la fin de 2020, en plus de la réalisation d’une étude épidémiologique pour « mesurer l’exposition de la population de Rouyn-Noranda aux autres contaminants industriels » et d’un suivi systématique de la santé de la population « pour déceler d’éventuels impacts liés aux émissions de la Fonderie ».

Le ministère de l’Environnement n’a pas encore répondu à ces demandes, affirmant que son « principal objectif, dans un premier temps, est d’obtenir de l’entreprise un plan visant la diminution des émissions le plus rapidement », a expliqué Jean-Bernard Villemaire.

Il dit à ce sujet s’attendre à une bonne collaboration des dirigeants de l’entreprise, qu’il qualifie de « proactifs ».

Il n’a pas été possible de joindre des représentants de la fonderie, hier soir.