(Moncton) Quatre policiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) accourus sur les lieux de la fusillade de 2014 à Moncton, au Nouveau-Brunswick, qui a coûté la vie à trois de leurs collègues, poursuivent le procureur général du Canada pour négligence.

Mathieu Daigle, Martine Benoit, Robert Nickerson et Shelly Mitchell soutiennent qu’ils n’étaient pas suffisamment entraînés et équipés pour faire face à un tireur lourdement armé, le 4 juin 2014.

Dans leurs requêtes, déposées la semaine dernière auprès de la Cour du Banc de la Reine, les quatre policiers déclarent souffrir du syndrome de stress post-traumatique et d’autres maux ; ils réclament des dommages-intérêts, dont la somme devrait être déterminée par le tribunal.

Aucune carabine C8 n’était disponible pour les agents en service régulier lors de la fusillade dans les rues de Moncton, malgré que l’arme ait été approuvée depuis 2011. Son intégration aurait été reportée à plusieurs reprises.

« Le plaignant allègue que la négligence de la GRC a eu pour conséquence cette situation, où il s’est retrouvé démuni pour faire face au tireur, mettant grandement en danger sa vie et celle de ses collègues », peut-on lire dans la requête de Mathieu Daigle.

Les quatre policiers rappellent que la GRC a été reconnue coupable le 29 septembre 2017 d’une infraction au Code du travail relativement à cette fusillade. Ils soutiennent que le tribunal a clairement indiqué que la police fédérale n’avait pas agi avec la diligence requise dans son programme de déploiement de carabines pour les policiers, mettant ainsi leur vie en danger.

Dans cette cause civile, le juge Leslie Jackson a conclu que la GRC avait effectivement omis de fournir à ses membres le matériel approprié et la formation adéquate pour intervenir en présence d’un « tireur actif dans un espace ouvert ».

Les policiers Fabrice Gevaudan, Dave Ross et Doug Larche avaient été tués dans cette fusillade, tandis que les agents Éric Dubois et Darlene Goguen avaient été blessés. Le tireur embusqué Justin Bourque avait pris pour cible des policiers dans l’espoir de susciter une rébellion pour renverser le gouvernement.

La chasse à l’homme pour stopper le tireur avait duré 30 heures et nécessité l’appui de nombreux policiers dans la région de Moncton.

Justin Bourque a été condamné à trois peines de réclusion à perpétuité consécutives sans possibilité de libération conditionnelle avant au moins 75 ans.

Cauchemars et perte d’emploi

Dans sa plainte, l’agent Mathieu Daigle révèle qu’il refait constamment les mêmes cauchemars, où il voit ses collègues mourir et le tueur pointer son arme vers lui. Il soutient être rongé par la culpabilité d’avoir survécu, souffrir d’anxiété, de pertes de mémoire et avoir perdu foi envers les forces de l’ordre fédérales.

Il dit n’avoir aucun intérêt à gravir les échelons au sein de la hiérarchie de la GRC.

Shelly Mitchell, qui compte 15 ans d’expérience au sein du corps policier, a été libérée pour des raisons médicales en 2018 même si elle avait formulé le souhait de reprendre du service après une longue pause.

Martine Benoit a connu des moments difficiles lors de ses tentatives répétées de reprendre du service. Sa vie privée en a également souffert et elle se trouve maintenant en arrêt de travail depuis le mois de février.

Selon ses allégations, elle raconte s’être trouvée coincée à l’intérieur de son véhicule, sous le feu nourri du tireur. Par la suite, elle a été mêlée à une dispute avec un collègue où les deux agents insistaient pour que l’autre enfile la dernière veste pare-balles disponible.

Elle décrit aussi comment elle s’est retrouvée seule à devoir surveiller le périmètre de sécurité sans aucun moyen de se défendre.

Finalement, Robert Nickerson a souffert d’un trouble de stress post-traumatique et de dépression majeure. Il s’est séparé après 12 ans de mariage et ne voit maintenant ses enfants qu’en garde partagée. Il a également dû combattre l’alcoolisme et s’est retrouvé en cure de désintoxication.

Le ministère fédéral de la Justice n’a pas voulu commenter la poursuite et la GRC n’a pas répondu à nos demandes de commentaires.