(PARIS) Le verdict est tombé de façon exceptionnellement expéditive. Au terme d’un procès de trois jours, la Québécoise Marie-Christine Bujold a été condamnée à 25 ans de réclusion par la justice française pour avoir noyé son fils Jean-Patrick le 9 novembre 2002 à Montréal.

Le procès a commencé lundi et a été constitué de deux jours de témoignages et de lectures d’éléments d’enquête, pour la plupart accablants pour elle. Tous les experts français avaient conclu à une noyade. Au troisième jour, hier, après les plaidoiries des avocats et un court délibéré, le président de la cour d’assises de Paris a déclaré la femme coupable et l’a condamnée à 25 ans de prison.

Rien n’est toutefois plus incertain que son incarcération, puisque le procès s’est déroulé en son absence et qu’elle se trouve au Canada, où elle n’a jamais été accusée.

En effet, les autorités canadiennes n’ont engagé aucune poursuite contre Mme Bujold, car les experts ne pouvaient conclure avec certitude qu’elle était la cause de la mort du garçon de 3 ans.

Le père de l’enfant, Julien Géraud, de nationalité française, avait donc engagé des poursuites dans son pays natal. En effet, la loi française permet de poursuivre quelqu’un pour des faits commis à l’étranger sur un de ses ressortissants – dans ce cas précis, Jean-Patrick, qui détenait la double nationalité. Les autorités françaises, qui ont révisé l’enquête québécoise et mené certaines expertises de leur côté, ont conclu qu’elle devait être accusée.

Bien que les autorités canadiennes aient collaboré avec leurs homologues françaises pour l’enquête, le Canada a finalement refusé que ses citoyens puissent témoigner lors du procès, au grand dam du président de la cour d’assises de Paris, Franck Zientara, qui se sera souvent plaint de la non-collaboration du Canada pendant les trois jours du procès.

Pour un meurtre sur mineur de moins de 15 ans, la cour aurait pu requérir la réclusion à perpétuité. Après un délibéré de trois heures, M. Zientara a imposé la peine de 25 ans. Cependant, Mme Bujold ne devrait pas passer le reste de sa vie sous les verrous. En effet, le Canada ayant refusé de l’extrader depuis 2014, date du mandat d’arrêt français, il semble peu probable que le gouvernement canadien décide de changer d’avis, selon Me Florence Rault, avocate du père.

Pour l’avocat de Mme Bujold, Me Julien Dubs, la décision du juge n’est « absolument pas justifiée », puisque le Canada n’a pas engagé de poursuite contre sa cliente et conteste l’avis d’extradition. « Je vais lui conseiller de faire appel », conclut-il.

Me Rault, de son côté, se dit satisfaite du verdict. « C’est un grand soulagement pour mon client », a-t-elle déclaré. « Ça fait 16 ans que je m’occupe de ce dossier. On ne peut que saluer le courage et la témérité du père. » Cependant, elle aurait voulu que la mère explique ses motivations. « Cela va rester une part d’ombre. »

Marie-Christine Bujold avait été accusée d’avoir noyé son fils dans la nuit ayant précédé la première visite père-fils sans tiers accompagnant. La relation qu’elle avait avec son ex-conjoint, Julien Géraud, était « délétère », selon ce dernier. Elle l’avait notamment accusé d’agressions physiques et sexuelles sur son fils, ce qui n’a été corroboré par aucune autorité. Elle était « hyperprotectionniste » envers son fils, selon la psychologue québécoise Paule Lamontagne. Elle lui a notamment fait faire 89 consultations chez 45 médecins et lui a autodiagnostiqué de l’asthme.

Jean-Patrick a été retrouvé mort dans son lit le matin du 9 novembre 2002, avec les cheveux et la nuque mouillés ainsi que des ecchymoses au front et au cou. La voisine du haut, Eléna Brown, aurait entendu des cris et des gargarismes au milieu de la nuit. M. Géraud, qui devait voir son fils le jour même, n’a appris sa mort que trois jours plus tard, alors qu’il devait être incinéré le jour même. Il a réussi à empêcher l’incinération et a demandé une seconde autopsie, qui n’a rien donné juridiquement parlant du côté canadien, mais qui aura été importante dans l’enquête française.