(Vancouver) Les avocats de Meng Wanzhou soutiennent que les autorités canadiennes ont joué le rôle de représentants des forces de l’ordre américaines lorsque la dirigeante de Huawei a été détenue par les services frontaliers à l’aéroport de Vancouver trois heures avant son arrestation par la police fédérale.

Dans des documents judiciaires rendus publics cette semaine, les avocats de Mme Meng soutiennent que des notes manuscrites prises par les agents canadiens indiquent que les appareils électroniques de la dirigeante de Huawei avaient été rassemblés en prévision d’une requête de la police fédérale américaine (FBI).

Selon la défense, ces notes montrent que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a demandé au FBI si les Américains s’intéressaient aux bagages de Mme Meng. On apprend aussi qu’un représentant de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a recueilli les codes secrets pour accéder aux appareils électroniques de Mme Meng, tandis qu’un autre l’interrogeait sur les affaires présumées de Huawei en Iran.

Or, la défense soutient que tout cela s’est passé avant que Mme Meng ne soit informée qu’elle était en état d’arrestation. Dans son mémoire déposé au tribunal en vue des audiences d’extradition, la défense soutient que « la GRC et/ou l’ASFC agissaient en tant qu’agents du FBI dans le but d’obtenir et de conserver des éléments de preuve ».

« La question est maintenant de savoir dans quelle mesure et de quelle façon le FBI a été impliqué dans ce stratagème », plaident les avocats de Mme Meng.

Les documents obtenus par la défense ont été divulgués avant une audience de huit jours prévue en septembre, au cours de laquelle les avocats devraient demander au tribunal d’avoir accès à davantage de documents, avant les audiences pour extradition proprement dites, prévues en janvier.

Le procureur général du Canada n’a pas encore déposé son mémoire dans cette procédure d’extradition et aucune de ces allégations n’a été vérifiée par le tribunal.

Procédures de routine ?

Meng Wanzhou a été arrêtée le 1er décembre à l’aéroport de Vancouver, à la demande des États-Unis, qui réclament son extradition afin de l’accuser de fraude, pour violation des sanctions économiques américaines contre l’Iran. Mme Meng et Huawei ont nié tout acte répréhensible. En attendant la suite des procédures, Mme Meng a été libérée sous caution et elle vit dans l’une de ses maisons, à Vancouver.

Dans une réponse transmise par courriel, la GRC indique que les nouveaux documents déposés doivent être étudiés par la cour et réfère à leur réponse donnée en juin à une poursuite au civil. La GRC et l’ASFC ont soutenu que les agents des services frontaliers n’avaient fouillé Mme Meng et ses bagages qu’à des fins d’immigration et de douane.

Toujours dans le courriel envoyé à La Presse canadienne, la GRC se dit prête à fournir davantage d’informations si le tribunal lui en fait la demande. L’ASFC a refusé de commenter le dossier puisque l’affaire est toujours devant la cour.

Le procès d’extradition de Mme Meng ne commencera pas avant le 20 janvier, mais les documents de la cour font la lumière sur les arguments prévus par ses avocats, pour qui cette arrestation était illégale et menée essentiellement dans l’intérêt des Américains.

Ils entendent faire valoir que les États-Unis ont commis un abus de procédure en utilisant les mécanismes d’extradition à des fins politiques et économiques. Le président américain Donald Trump, qui est en guerre commerciale avec la Chine, a déjà déclaré qu’il interviendrait dans l’affaire Meng « si nécessaire ».

La saisie des appareils électroniques de Mme Meng et son interrogatoire par des agents des services frontaliers au Canada suivent par ailleurs un schéma de traitement réservé aux employés de Huawei aux points d’entrée américains, soutiennent les avocats.

La défense accuse aussi les policiers et les agents des services frontaliers d’avoir intentionnellement tenu des notes de piètre qualité, qui occultent ce qui s’est passé exactement, y compris la raison pour laquelle le plan d’arrestation de Mme Meng a apparemment changé. La défense parle d’« omission stratégique ».

Les documents suggèrent que les autorités canadiennes avaient initialement prévu d’arrêter Mme Meng « immédiatement » après son atterrissage — en montant dans l’avion. Or, ce sont trois agents de l’ASFC qui ont intercepté Mme Meng à sa descente d’avion, tandis que deux agents de la GRC assistaient à la scène, même s’ils savaient que le mandat prévoyait son arrestation « immédiate », soutient la défense.