(Montréal) Il existe bien peu de choses aussi convoitées à Montréal que d’excellents sièges réservés aux parties du Canadien et un homme a appris à ses dépens que d’en priver quelqu’un après de longues années de partage peut coûter très cher.

Petros Sakaris devra verser près de 45 000 $ à son ancien beau-frère, Louis Terzopoulos, pour l’avoir privé de sa part de deux abonnements aux matchs du Canadien de Montréal à la suite d’une dispute familiale, a ordonné la Cour supérieure du Québec. Le duo partageait ces sièges depuis 19 ans.

En cour, un expert du marketing du sport et ancien dirigeant du Club de hockey Canadien de Montréal, a décrit ces places comme « parmi les meilleurs sièges » de l’amphithéâtre. Ils sont situés derrière le banc de punition, face à la ligne rouge et sans aucun obstacle dans le champ de vision.

Selon la version de M. Sakaris, il était l’unique détenteur de ces abonnements au Centre Bell, aucune entente formelle de partage ne le liait à M. Terzopoulos et il n’avait offert une part au demandeur uniquement parce qu’ils étaient beaux-frères.

Le juge Jeffrey Edwards a toutefois tranché que le défendeur n’avait pas le droit de refuser unilatéralement l’accès à ces sièges convoités.

« L’abondance de la preuve confirme l’existence d’une entente entre Petros et Louis en vertu de laquelle Louis avait le droit d’obtenir et de partager avec Petros l’utilisation de deux abonnements aux parties du Canadien de Montréal », peut-on lire dans la décision rédigée en anglais par le juge Edwards.

Cette décision, rendue le 1er août, détermine la valeur réelle de l’abonnement aux matchs du Tricolore et le préjudice qui résulte de sa privation.

L’affaire a été entendue par le tribunal à la fin du mois de juin, mais le débat judiciaire n’est pas encore terminé. L’avocat représentant M. Sakaris, Tom Markakis, a confirmé par courriel que son client souhaitait porter la décision en appel. Il a refusé de commenter davantage.

Du Forum au Centre Bell

La dispute entre Petros Sakaris et Louis Terzopoulos remonte à 2014, lorsque le premier a refusé au second les abonnements qu’ils partageaient depuis 19 ans.

Les deux hommes se sont rencontrés par l’entremise de leur conjointe respective, des sœurs qu’ils ont mariées. Le duo a commencé à assister à des parties de hockey et a commencé à discuter d’acquérir des abonnements. D’après ce qui a été rapporté en cour, Petros Sakaris a eu l’occasion de mettre la main sur deux sièges au Forum de Montréal auxquels voulait renoncer le dirigeant d’une entreprise de construction.

Ils se séparaient ainsi les matchs depuis la saison 1995-1996, la dernière que le bleu-blanc-rouge a disputée au Forum. Comme la politique de l’équipe de la Ligue nationale de hockey ne permet d’inscrire qu’un seul nom de détenteur, le duo s’est entendu pour enregistrer le nom de Petros Sakaris.

Ils ont continué à partager les deux abonnements lorsque le Canadien a déménagé à son domicile actuel, le centre Bell. Durant toutes ces années, ils se sont réparti les billets selon les préférences et les disponibilités de chacun. Le même processus prévalait lors des séries éliminatoires.

La décision laisse entendre que le divorce tumultueux de Louis Terzopoulos a provoqué la décision de Petros Sakaris de le priver de sa part de l’abonnement à compter de septembre 2014.

« L’entente contractuelle entre Petros et Louis était et aurait dû être traitée de manière indépendante aux problèmes maritaux de Louis et de la belle-sœur de Petros », a convenu le juge dans sa décision.

Au lieu d’en venir à une entente à l’amiable ou d’offrir une compensation à son ex-beau-frère, Petros Sakaris a choisi de nier l’existence de toute entente préalable, poursuit le juge Edwards.

« Dans son témoignage, Petros a reconnu qu’il a refusé de fournir des billets à Louis sur la base des récriminations de sa belle-sœur contre Louis, note le magistrat. En agissant ainsi, Petros s’est arrogé la loi et a infligé à Louis une punition qu’il croyait méritée. »

Louis Terzopoulos est décrit dans le jugement comme « un partisan intense du Canadien de Montréal ». Celui-ci aurait passé les cinq dernières années à patienter sur la liste d’attente pour se procurer de nouveaux abonnements et devrait attendre encore deux autres années, selon le délai moyen actuel.

D’après le tribunal, même s’il réussit à acquérir de nouveaux abonnements, ses sièges ne seront jamais aussi bien situés que ceux auxquels il avait accès par son entente avec son ancien beau-frère.

Pour cette raison, le juge accorde à Louis Terzopoulos des dommages moraux de 8000 $ pour la perte de jouissance de ces sièges privilégiés ainsi qu’une somme supplémentaire de 1050 $ pour la perte d’un siège de l’ancien Forum de Montréal que refuse de lui remettre M. Sakaris.

Le reste du montant total s’élevant à 44 849 $ représente la valeur de la moitié des deux abonnements, les frais judiciaires encourus et les frais d’inscription sur la liste d’attente en vue d’obtenir un nouvel abonnement.