Plus de 200 communications de l’ex-maire de Montréal Gérald Tremblay avec des avocats ont été interceptées par écoute électronique pendant l’opération Fronde en 2015, affirme son ancien bras droit, Frank Zampino, dans une requête en arrêt du processus judiciaire, à deux mois de son procès pour fraude, abus de confiance, complot et corruption dans les affaires municipales.

L’ex-numéro deux de la Ville de Montréal reproche aux policiers d’avoir intercepté des communications privilégiées avec ses avocats entre juin et août 2015. Il réclame ainsi de mettre fin au processus judiciaire étant donné que ses droits fondamentaux n’ont pas été respectés. Cette requête sera débattue aujourd’hui et demain devant la juge Joëlle Roy.

L’ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal a été accusé en 2017 en lien avec un système allégué de partage de contrats d’ingénierie attribués par la Ville de Montréal entre 2001 et 2009. L’enquête Fronde de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) avait été ouverte dans la foulée du scandale des compteurs d’eau. Son procès et celui de ses six coaccusés doit s’amorcer le 30 septembre.

Dans la requête déposée au début de l’été, mais qui a été discutée hier en cour, on explique que l’ex-maire Tremblay a lui aussi été mis sur écoute en vertu de la même autorisation judiciaire que Frank Zampino. Notons que Gérald Tremblay n’a fait l’objet d’aucune accusation criminelle dans cette affaire.

On apprend que 241 communications totalisant 11 heures de conversations entre Gérald Tremblay et des « avocats non visés » ont été interceptées et enregistrées par les autorités. On ne précise toutefois pas si ces communications étaient « privilégiées ». « C’est un autre exemple flagrant de la violation du droit d’un individu de communiquer librement et avec confiance avec son avocat », indique-t-on dans la requête pilotée par Me Isabel Schurman.

Le secret professionnel

Les avocats jouissent du secret professionnel dans les discussions avec leurs clients. Ainsi, les policiers doivent respecter tout un protocole pour éviter d’utiliser dans leur enquête une conversation entre un suspect et son avocat. C’est pourquoi un juge doit parfois trier lui-même chaque communication client-avocat pour établir si elle remplit les critères de privilège.

Le camp Zampino reproche ainsi aux policiers de ne pas avoir respecté les procédures de triage [screening] des communications privilégiées de l’accusé avec ses avocats imposées par le juge Pierre Labelle. Au total, 39 communications entre Zampino et ses avocats ont été interceptées. Du nombre, 10 ont été accidentellement rendues accessibles aux enquêteurs, et plusieurs d’entre elles ont été écoutées par ces derniers, déplore la défense.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L'ex-numéro deux de la Ville de Montréal, Frank Zampino, reproche aux policiers d’avoir intercepté des communications privilégiées avec ses avocats entre juin et août 2015. Il réclame ainsi de mettre fin au processus judiciaire étant donné que ses droits fondamentaux n’ont pas été respectés.

Les analystes policiers ont également mis en moyenne 17 minutes pour bloquer les appels entre M. Zampino et ses avocats du cabinet Schurman, Grenier, Strapatsas & Associates, alors que pour certains interlocuteurs, les analystes mettaient fin à l’appel après quelques dizaines de secondes.

« Il s’agit d’un délai inacceptable, qui suggère que les analystes ont écouté sans permission des communications complètes. […] Dans son autorisation, le juge Labelle était clair que personne, pas même les analystes, ne pouvait écouter les conversations avant qu’il ne le fasse », soutient la défense.

Selon le camp Zampino, même si ces conversations privilégiées ne sont pas déposées en preuve au procès, il y a une « possibilité bien réelle que les enquêteurs aient glané de l’information dans ces communications qui les aient aidés dans leur enquête ».

Deuxième requête

Il s’agit de la deuxième requête en arrêt des procédures déposée par les avocats de Frank Zampino dans les derniers mois. En juin, la juge Roy a rejeté une requête dans laquelle il évoquait les délais abusifs avant sa mise en accusation et le stress imposé par les procédures.

L’ex-numéro deux de la Ville de Montréal a été acquitté de fraude, de complot et d’abus de confiance en 2018 après deux ans de procès pour son rôle allégué dans le scandale du Faubourg Contrecoeur sur le développement résidentiel d’un terrain dans l’est de Montréal.