Les autorités soupçonnent les propriétaires d’une quinzaine d’entreprises montréalaises d’avoir participé à un réseau illégal qui faisait travailler au noir des sans-papiers ou des bénéficiaires de l’aide sociale.

Dans au moins certains des cas, ces travailleurs vulnérables étaient payés sous le salaire minimum pour des tâches ingrates et épuisantes, voire dangereuses.

La Presse a obtenu les documents judiciaires qui ont permis aux enquêteurs du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS) de perquisitionner dans les bureaux de plusieurs de ces firmes, le 4 juin dernier. Ils soupçonnaient que des « fraudes de plus de 5000 $ » envers le Ministère y avaient été commises.

Depuis des années, les propriétaires de firmes comme YUL Embauche, HL Services, Service BGM ou Services JAH « participent ou ont participé aux opérations » du réseau d’agences en question, allèguent les enquêteurs dans un document remis à la justice.

Le réseau engage et paie en argent comptant « des prestataires d’aide financière de dernier recours », le nom officiel de l’aide sociale, poursuit le document. « Les dirigeants d’agence proposent de les payer sous le salaire minimum en vigueur et s’abstiennent de déclarer leurs revenus aux différents paliers gouvernementaux. » Le document est seulement lisible en partie, à la demande des avocats du gouvernement.

Au moins une partie du réseau gérait un important parc de véhicules qui partaient tous les matins d’une station de métro, notamment Georges-Vanier, vers les lieux de travail éphémères des individus recrutés.

« Son salaire était non déclaré »

Le présumé réseau fournissait notamment de la main-d’œuvre pour l’usine de transformation de viandes Sherrington Cold, située dans le village montérégien du même nom.

L’enquête du ministère du Travail a débuté avec la diffusion d’un reportage de Radio-Canada concernant un travailleur qui s’est grièvement blessé dans ces installations. L’homme était un demandeur d’asile haïtien sans permis de travail.

L’agence de travail YUL Embauche lui aurait fourni le transport ainsi que de faux papiers avec le nom et le numéro d’assurance sociale d’un ancien employé de l’agence.

Les enquêteurs du MTESS dans un document remis à la justice

« Son salaire était non déclaré. » Une pièce de machinerie lui a broyé la main après quelques semaines de travail.

Ces informations sont venues s’ajouter à une plainte vieille de 10 ans contre des entreprises du même réseau allégué.

La vague de perquisitions menées par le MTESS au début de juin a mené à la découverte d’une enveloppe contenant 19 000 $ en billets de 50 $ et 100 $. Un grand nombre de documents ont aussi été emportés par les enquêteurs.

Les allégations contenues dans les documents judiciaires n’ont pas encore été testées devant la justice.