Joe Kritik, un Inuit récidiviste en matière d’agression sexuelle, a réussi à faire annuler par la Cour d’appel sa désignation comme délinquant dangereux ainsi que la peine de détention de durée indéterminée qui lui avait été imposée.

Dans une décision rédigée par la juge Nicole Duval Hesler et rendue lundi, le banc de trois magistrats ordonne également une évaluation psychiatrique complète de Joe Kritik et lui permet de présenter de nouveaux éléments de preuve entourant l’évaluation de sa situation.

Joe Kritik a été reconnu coupable d’agression sexuelle le 13 décembre 2016. Le 4 avril dernier, le juge Claude Bigué de la Cour du Québec le déclarait délinquant dangereux et le condamnait à une peine d’une durée indéterminée.

La Cour d’appel ordonne du même coup une nouvelle audience sur sa peine une fois que l’évaluation psychiatrique sera complétée, et ce, devant un juge différent de la Cour du Québec.

Sept condamnations pour agression sexuelle en neuf ans

Joe Kritik, bien qu’âgé de seulement 29 ans lorsqu’il a été trouvé coupable d’agression sexuelle en 2016, avait déjà une longue feuille de route, ayant été trouvé coupable et condamné à sept reprises entre 2005 et 2014 pour des agressions sexuelles contre des femmes inuites en position de vulnérabilité.

Un expert nommé par la Cour avait conclu à un risque élevé de récidive et suggéré qu’il se qualifiait comme délinquant dangereux. L’accusé avait alors demandé la confection d’un rapport de type Gladue, qui est une procédure d’évaluation présentencielle visant spécifiquement les accusés autochtones.

Ce rapport, présenté en novembre 2017, dressait un portrait dramatique de l’Inuit né à Tasiujaq, une communauté isolée du Grand Nord québécois sur les rives de la baie d’Ungava.

On peut y lire un historique familial dysfonctionnel marqué par l’abus d’alcool et de drogue de la famille immédiate de l’accusé de même que des multiples abus physiques et sexuels à son endroit à partir de l’enfance.

L’accusé y est décrit comme ayant commencé à consommer de l’alcool à l’âge de 12 ans, d’avoir commis à l’âge de 13 ans la première de dix tentatives de suicide. Il a également perdu cinq amis au suicide, souffert d’un sévère traumatisme crânien à 19 ans qui l’a laissé avec des épisodes de convulsions et des problèmes de mémoire.

Refus d’évaluation psychiatrique

L’avocat de Joe Kritik avait réclamé une évaluation psychiatrique complète après le dépôt du rapport Gladue, faisant valoir qu’une telle évaluation était essentielle avant de déclarer son client délinquant dangereux, demande qui avait été rejetée par le juge Bigué. La juge Duval Hesler qualifie cette décision du juge de « surprenante étant données les conséquences sévères de son jugement ».

La magistrate reproche aussi au juge de première instance de n’avoir fait aucune mention des implications de la jeunesse de l’accusé et d’avoir généralement ignoré le rapport Gladue. Selon la magistrate, à elle seule la décision de rejeter la demande d’évaluation psychiatrique représente un motif d’appel puisque le juge s’est privé d’éléments de preuve qui auraient pu guider sa décision.

Toutefois, puisque la Cour d’appel ne peut sans une évaluation psychiatrique complète déterminer le bien-fondé ou non d’une désignation de délinquant dangereux ou revoir la peine de détention de durée indéterminée — une sanction rare et considérée comme très sévère — « le remède approprié est d’ordonner une évaluation psychiatrique complète et une nouvelle audience sur la peine ».

La juge Duval Hesler voit également une erreur en droit dans le fait que l’imposition d’une peine de durée indéterminée à un délinquant dangereux a des effets dévastateurs et élimine tout incitatif à la réhabilitation.

Elle estime que le juge qui présidera la nouvelle audience aura, avec l’évaluation psychiatrique complète ainsi que des éléments additionnels présentés en preuve en complément au rapport Gladue, tous les éléments requis pour décider de la désignation ou non de Joe Kritik comme délinquant dangereux et de lui imposer une peine appropriée.