Dans la communauté de York Landing, dans le centre du Manitoba, où vivent 500 personnes, la recherche des deux suspects suit son cours. Mais le suspense pourrait tirer à sa fin, selon deux experts consultés par La Presse, qui estiment que les deux jeunes hommes ne pourront tenir longtemps dans les conditions hostiles de la région.

Dans le boisé où les forces policières concentrent actuellement leurs recherches, il y a les insectes, farouches et omniprésents. Puis une chaleur étouffante en journée et un froid éprouvant la nuit. Finalement, un manque de sources d’eau potable et de nourriture adéquate facilement accessible.

Mathieu Hébert, cofondateur de l’école de survie Les Primitifs, s’est déjà entraîné dans le même type d’environnement. « Ce sont des conditions extrêmement difficiles, dit-il. La réalité va frapper vite s’ils sont mal préparés. » Mais, ajoute-t-il, le milieu est tellement hostile que « même s’ils ont de l’équipement et qu’ils sont entraînés, ils ne feront pas long feu », selon lui.

À la radio britanno-colombienne CHEK News, à l’époque où les jeunes hommes étaient considérés comme disparus, le père de Bryer Schmegelsky, un des deux fugitifs, a affirmé dans une entrevue que les jeunes hommes s’intéressaient au survivalisme depuis deux ans et demi. Mais à la vue des photos des jeunes hommes, Mathieu Hébert n’y croit pas, et voit plutôt en eux des « survivalistes YouTube » avec une « faible constitution ».

Aux conditions horribles s’ajoute le stress que doit leur faire vivre cette chasse à l’homme. « Tout est en place pour qu’ils fassent des erreurs », dit M. Hébert, qui a déjà donné des cours de survie à des corps policiers.

La nuit est particulièrement dangereuse pour les fugitifs, selon lui. « À partir de 12 degrés, on peut mourir d’hypothermie. » La nuit dernière, la température ressentie aux alentours de York Landing était de 8 degrés. Qui plus est, ils ne tenteront probablement pas de faire de feu, de peur de se faire prendre.

« Le temps joue en faveur des policiers », conclut le survivaliste.

Des opérations qui ratissent large

La petite communauté de York Landing vit une des situations les plus inusitées qui soient. « Ce n’est pas juste une quinzaine de policiers qui sont là, » a déclaré Marcel Savard, ancien directeur général adjoint de la Sûreté du Québec (SQ), en soulignant la quantité importante d’effectif mobilisé dans le cadre de cette mission.

Équipes d’enquêteurs, maîtres de chien faisant les rondes en alternance, drones détecteurs de chaleur, VTT, hélicoptères, bateaux… « Ils ont réquisitionné tout ce qu’ils avaient à réquisitionner », a précisé M. Savard. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) fouille la zone de fond en comble, mais prend toutes ses précautions, car les jeunes représentent encore un danger réel.

C’est une situation extrêmement à risque pour les policiers.

Marcel Savard

Au cours des derniers jours, la GRC a annoncé avoir fait du porte-à-porte dans toutes les maisons afin de colliger des informations pouvant aider leurs recherches.

C’est aussi un effort technologique d’envergure. « Des balises de surveillance ont été placées en plusieurs endroits, affirme M. Savard. On a probablement installé des détecteurs de mouvement le long de la voie ferrée, des appareils photographiques et plein d’autres outils. »

Comme les fugitifs se retrouvent selon toute vraisemblance dans une zone hostile, ils seront peut-être tentés de prendre la fuite à nouveau. N’ayant pas de voiture, les suspects pourraient aussi avoir forcé des gens à les aider, selon celui qui a été responsable des équipes d’interventions tactiques et gestionnaire des mesures d’urgence à la SQ. C’est une situation qu’il dit avoir vue à plusieurs reprises.

« Une chance sur deux qu’ils soient encore vivants »

Malgré les risques pour les forces policières, celles-ci ont intérêt à bouger rapidement, surtout dans le contexte inhospitalier où se trouveraient les fugitifs, selon M. Savard. « Je suis convaincu que les policiers veulent les retrouver vivants, parce qu’il y a trois meurtres pour lesquels il faudra trouver des preuves. Il faut donc rencontrer les suspects et les interroger pour monter la preuve. »

La nuit se veut très dangereuse pour les suspects, mais pour la police, c’est plutôt une occasion inestimable. « À ce temps-ci de l’année, la nuit est un moment privilégié pour se servir des outils de détection de chaleur. »

À mesure que se prolonge la course de Kam McLeod et de Bryer Schmegelsky, les chances d’un dénouement tranquille, par des arrestations, se dissipent progressivement.

« À ce stade-ci, avec mon feeling et mon expérience, je dirais qu’il y a une chance sur deux qu’ils soient encore vivants, a indiqué M. Savard. S’ils sont vivants, c’est soit parce qu’ils pensent vraiment réussir à s’échapper, soit parce qu’ils veulent affronter la police. »