(Ottawa) L’extradition de Hassan Diab vers la France s’est faite dans les règles, selon un rapport publié vendredi ; une conclusion qui met le principal intéressé hors de lui et le pousse à considérer une poursuite contre le gouvernement fédéral.

Même si le citoyen canadien a passé plus de trois ans dans une prison française avant qu’un juge d’instruction n’ordonne sa remise en liberté, on ne peut rien reprocher aux autorités canadiennes dans ce dossier, selon Murray Segal, l’expert chargé de mener une enquête sur cette affaire.

« Aucune critique émise contre les avocats du ministère de la Justice n’était valable », écrit M. Segal dans son rapport.

Si rien de mal n’a été fait, comment expliquer le sort qu’il a subi ? a demandé M. Diab au cours d’une conférence de presse tenue en après-midi.

« J’ai réclamé des explications à propos de ce qui s’est passé, mais le rapport ne fournit aucune réponse », a dénoncé l’homme qui a attendu derrière les barreaux un procès qui ne s’est jamais matérialisé.

Si à la sortie de prison en janvier 2018 il disait n’avoir aucune envie de poursuite en justice, il n’en est plus là.

« Nous étions tellement en colère et déçus (à la lecture du rapport) que j’ai soulevé (cette option) avec le Dr Diab », a confié son avocat Donald Bayne qui songe maintenant à réclamer des comptes à Ottawa.

« Quelle décision sera prise ? Il est trop tôt pour le dire », a cependant ajouté Me Bayne.

Recommandations de transparence et d’éducation

L’auteur du rapport d’enquête formule 14 recommandations, principalement pour mieux informer les Canadiens des procédures d’extradition et pour que celles-ci se fassent de manière plus transparente.

« La principale leçon que j’ai tirée de cet examen est que le monde de l’extradition est mal compris et que les renseignements sur le fonctionnement du système d’extradition au Canada sont difficilement accessibles », note celui qui s’est vu confier cette enquête il y a un peu plus d’un an.

« Ça rappelle l’idée de George Orwell d’un ministère de la propagande », a raillé M. Diab.

M. Segal souligne dans son rapport qu’on ne l’a pas chargé de réécrire la loi sur l’extradition.

« Les recommandations de M. Segal sont exactement pour améliorer la transparence et l’efficacité du système, ainsi que l’équilibre dans le système. Donc, on va commencer par les étudier », a réagi le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, de passage à Halifax, vendredi après-midi.

M. Diab s’était battu en vain au Canada pendant six ans contre la demande d’extradition. On le soupçonnait, en France, d’avoir participé à un attentat terroriste contre une synagogue parisienne en 1980.

Ottawa l’a remis aux autorités françaises en novembre 2014. En janvier 2018, la justice française ordonnait sa libération, concluant qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve assez solides pour lui faire subir un procès.

Un traitement différent ?

« Il y a plusieurs catégories de citoyens ici », a dit M. Diab à propos du Canada, mettant en doute le mantra de Justin Trudeau « un Canadien est un Canadien est un Canadien ». L’homme a cité un des jugements canadiens qui a permis son extradition. Le tribunal soulignait alors qu’en 1980 m. Diab n’était pas citoyen canadien.

Il croit qu’un Canadien né au pays n’aurait pas été livré si facilement à un système de justice étranger.

Un autre casse-tête d’extradition

Par ailleurs, le ministre Lametti a mis en garde quiconque voudrait utiliser ce rapport pour prévoir la suite d’une autre demande d’extradition, celle de Meng Wanzhou, la dirigeante de Huawei réclamée par les États-Unis. Cette demande de Washington est à l’origine d’un grave conflit entre Ottawa et Pékin.

« Chaque dossier d’extradition est unique », a souligné le ministre. « Dans ce cas-ci, on parle de pays différents avec des systèmes juridiques différents », a-t-il rappelé.