Le conducteur d’un bateau à moteur qui s’est écrasé contre un brise-lame au large de Vaudreuil, samedi soir, pourrait être accusé de conduite avec les facultés affaiblies et de conduite dangereuse causant des lésions. L’accident s’est produit à quelques mètres du Club de voile Deux-Montagnes et de ses 240 voiliers. Retour sur une soirée qui aurait pu avoir de terribles conséquences.

Les écoutilles étaient fermées et les marins pour la majorité au lit, épuisés par une belle journée d’été à naviguer sur le lac des Deux Montagnes. Dans la baie Tison, habituellement d’un calme plat – qui plus est à 22 h –, le vrombissement rarissime d’un bateau à moteur, mais surtout la vague monumentale qu’il causait par son sillage, a mis les plaisanciers présents en alerte. En moins de temps qu’il en a fallu pour que leurs yeux s’habituent à l’obscurité, le bateau qui fonçait droit vers eux a bifurqué et est allé s’écraser contre le brise-lame de la marina.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE LA COMMUNAUTÉ DE MEMBRES DU CLUB DE VOILE DEUX-MONTAGNES

Vue aérienne de la marina 

« L’un des membres m’a dit que le bateau avait tourné à la dernière minute, sinon son voilier se faisait fendre en deux, carrément. Il a eu vraiment, vraiment peur. Pas pour son bateau, pour sa vie. Le bateau s’en venait vers lui comme un missile ! », rapporte Michel Dufour, membre du conseil d’administration du Club de voile Deux-Montagnes. Le plaisancier a été impliqué dans toutes les étapes subséquentes de l’accident.

Il est passé très près de tous les bateaux. Tout le monde a été très, très chanceux. À cette vitesse-là, ç’aurait pu être une catastrophe.

Michel Dufour

Le bateau de 31 pieds fonçait droit vers le rivage, puis a effectué un virage en « U » sans ralentir avant d’éviter de justesse les voiliers amarrés au quai et d’aller s’emboutir sur la rade, selon les témoignages recueillis par La Presse. La vitesse de l’embarcation était de 25 à 30 nœuds, selon les témoins, ce qui est extrêmement rapide sur l’eau, surtout à la noirceur – d’autant plus que les bouées du lac des Deux Montagnes ne sont pas toutes lumineuses.

L’opération de sauvetage

Michel Dufour et une employée de la Garde côtière canadienne qui se trouvait à la marina sont rapidement intervenus.

« Je suis sorti de mon bateau et on est allés le plus près possible par les quais. À partir de là, on a demandé aux gens dans le bateau combien ils étaient à bord, s’ils avaient des ceintures de sécurité, etc. Puis on leur a donné des instructions », raconte M. Dufour.

Il y avait à bord deux ceintures pour cinq personnes. Il y avait un enfant d’environ 2 ou 3 ans, un blessé et une personne qui ne savait pas nager.

Michel Dufour

« On a crié à un membre du club de sortir un dinghy [un youyou, petite embarcation pneumatique], et il a évacué la mère et l’enfant. Dès l’évacuation, le bateau s’est mis à bouger. On a dit aux trois autres de sauter à l’eau, y compris la personne qui ne savait pas nager. Elle s’est accrochée à une ceinture de sauvetage », poursuit M. Dufour. Il estime que les occupants avaient « environ entre 20 et 35 ans », qu’ils n’étaient pas « des navigateurs » et qu’ils étaient tous – sauf l’enfant – considérablement intoxiqués.

La Sûreté du Québec a confirmé qu’une personne avait été arrêtée et que des accusations de conduite avec les facultés affaiblies et de conduite dangereuse ayant causé des lésions pourraient être déposées contre elle.

« Ici, les gens s’en remettent, le bateau a été retiré aujourd’hui [hier], rapporte M. Dufour. Mais je pense que ça va rester ancré dans l’histoire du club pour longtemps ! »

Tolérance zéro sur l’eau

Sur la route ou sur l’eau, la loi en ce qui concerne la consommation d’alcool et de drogue est la même. Nautisme Québec (anciennement appelé l’Association maritime du Québec) prône la tolérance zéro à bord des embarcations et rappelle que l’effet de l’alcool consommé sur l’eau est multiplié par trois en raison du soleil, des vagues et du vent.

« On est dans un contexte de loisir, il y a moins de surveillance, et les gens s’en permettent », observe Alain Roy, directeur général de Nautisme Québec. « Il faut redoubler de prudence. Nous, on fait la promotion de l’alcool zéro, mais la limite est de 0,08, comme sur la route. Et les gens encourent les mêmes sentences. Ils peuvent même perdre leur permis de conduire de véhicule routier. Ça peut aller jusque-là », expose M. Roy.

Le port du gilet de sauvetage est un autre problème encore trop répandu, observent des organisations comme Nautisme Québec et la Société de sauvetage du Québec.

« On a la preuve avec l’autre accident de bateau [lundi] matin. Deux hommes sont tombés d’une chaloupe dans le fleuve. Celui qui portait une veste de sauvetage a été retrouvé. Pas l’autre », déplore M. Roy, qui dénombre déjà une dizaine de noyades cette année liées à des activités en embarcations nautiques.

Une meilleure formation nautique ?

Les plaisanciers qui naviguent dans les eaux du Canada n’ont besoin que d’un permis de conducteur d’embarcations de plaisance, lequel s’acquiert avec une facilité déconcertante sur l’internet. Un consortium de nombreuses organisations, dont Nautisme Québec, la Société de sauvetage, les Escadrilles canadiennes de plaisance et Carte-Bateau, aimerait mettre en place une carte de compétence supplémentaire qui s’obtiendrait au terme d’une formation théorique de 35 heures. Les conducteurs de bateaux de plus de six mètres et ceux qui naviguent sur le fleuve Saint-Laurent sont particulièrement concernés, eux qui risquent davantage de se retrouver en situation dangereuse.