Elles ont été battues et forcées de se prostituer presque tous les jours. L’une a aussi été brûlée avec une cigarette et menacée avec une arme : deux jeunes femmes ont vécu un calvaire pendant des années sous le joug du proxénète violent Josué Jean. Reconnu coupable de traite des personnes hier, le Montréalais risque de se faire imposer une peine d’emprisonnement importante.

Au premier rang, Josué Jean s’essuie le visage avec une serviette, nerveux. La salle est remplie de proches des deux victimes qui peinent à retenir leurs larmes pendant la lecture du jugement. Quand la décision tombe et que Josué Jean s’éclipse de la salle, menotté, un homme applaudit. Les familles éprouvées s’enlacent dans le corridor. C’est enfin la fin d’un cauchemar pour ces deux femmes.

L’homme de 41 ans a été reconnu coupable par le juge André Perreault de 14 chefs d’accusation, notamment traite des personnes, proxénétisme, agression sexuelle, séquestration et voies de fait armées. Cinq autres chefs n’ont pas été retenus.

La première victime n’a que 17 ou 18 ans lorsqu’elle quitte Québec pour rejoindre Josué Jean dans la métropole vers 2002. Elle commence à danser nue dans des bars pour amasser de l’argent pour acheter un immeuble. Elle donne tout son argent au proxénète qu’elle considère comme son « conjoint ».

Rapidement, la jeune femme se fait tatouer « Josué » et « Polo », le surnom de proxénète de Josué Jean. Celui-ci exige un gros tatouage bien visible. « C’est comme un trophée de chasse. Tu es marquée au fer rouge. Elle est à moi, elle m’appartient », témoigne la victime au procès. Toute sa vie est contrôlée par lui.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le proxénète Josué Jean en mars 2018, alors qu'il demandait l’arrêt du processus judiciaire en vertu de l’arrêt Jordan.

Josué Jean exige une récolte minimum de 2000 $ par jour. Avec ce magot, il s’achète des bijoux, des vêtements et des voitures. La victime se prostitue six ou sept jours par semaine pour remplir ses quotas. Elle fait même des quarts de travail doubles.

Josué Jean la bat régulièrement. Il la brûle sur le bras avec des cigarettes. Une fois, elle frappe l’accusé d’un coup de poing. Il réplique en la rouant de coups. Elle déboule ensuite l’escalier.

À une autre occasion, il pose un pistolet sur sa tête pour la menacer. Il l’agresse sexuellement quand elle essaie d’aller distribuer son CV. Josué Jean l’enferme même une ou deux journées dans la salle de bains. Quand elle commence à échapper à son emprise, il menace de la tuer, de même que sa mère.

Violence et humiliation

Vers 2006, une seconde victime tombe immédiatement sous le charme de Josué Jean. La jeune femme est séduite par ses bagues en or à tous les doigts et sa chaîne avec un pistolet en or. Elle se fait également tatouer le nom et le surnom de l’accusé par amour.

Mais cinq mois après leur rencontre, c’est la « guerre ». Finis les cadeaux. Elle travaille dans un salon de massage, puis dans un bar de danseuses nues. C’est Josué Jean qui choisit son nom de danseuse. Elle travaille quatre ou cinq jours par semaine et lui remet tous ses gains.

Josué Jean crache souvent au visage de la victime en la traitant d’« osti de pute à 5 cennes ». Une fois, la victime pousse le proxénète. Il lui assène alors un coup de poing qui lui fracture les côtes. Elle danse tout de même ce soir-là. Elle réussit finalement à sortir de ses griffes en 2009, mais non sans conséquence, puisqu’elle souffre d’un choc post-traumatique.

Me Isabelle Larouche défend l’accusé, alors que Me Bruno Ménard représente le ministère public. La cause sera de retour vendredi pour que soit fixée une date en vue des observations sur la peine.