(Montréal) Lors de l’explosion et de l’incendie chez ABI le 17 avril dernier, ce n’est pas une cuve qui a explosé, contrairement à ce qu’avaient rapporté les autorités, mais bien un incendie qui a débuté près d’un broyeur à copeaux, lors de travaux de soudure pour remplacer une conduite, révèle un rapport préliminaire de la CNESST, obtenu par La Presse canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

«Des travaux sont effectués pour le remplacement d’une conduite de 14 pouces servant à acheminer des limailles de sciage» vers le broyeur, indique l’inspecteur de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail dans son rapport préliminaire. Des travaux à chaud de meulage et de soudage étaient effectués. On y mentionne qu’un permis de travail à chaud a été délivré.

«À un certain moment, les travailleurs constatent un début d’incendie en dessous d’eux», rapporte la CNESST. Ils ont tenté de l’éteindre, en vain. Ils ont quitté la salle des broyeurs. Puis l’explosion s’est produite à l’intérieur de la salle des broyeurs.

L’explosion et l’incendie ont causé d’importants dommages : des murs de la salle des broyeurs se sont affaissés, des conduites ont été sectionnées et des ouvertures ont été faites dans le toit, relate-t-on dans le rapport préliminaire.

Soupçons du syndicat

Mais déjà, le syndicat des Métallos, affilié à la FTQ, qui représente les quelque 1000 travailleurs en lock-out chez ABI, dit craindre que ces travaux pour remplacer une conduite aient été réalisés par des scabs.

Le rapport de la CNESST sur l’incendie fait effectivement référence à des personnes à l’emploi d’un sous-traitant qui ont été «rencontrées».

En entrevue, le président de la section locale 9700 du syndicat des Métallos, Clément Masse, a souligné qu’il est habituel que des sous-traitants installent les nouveaux équipements dans l’aluminerie, mais que lorsqu’il s’agit d’entretenir ces équipements, ce sont des tâches qui sont normalement réalisées par les travailleurs réguliers d’ABI.

Or, les dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail stipulent que pendant un lock-out ou une grève, un employeur ne peut «utiliser, dans l’établissement où la grève ou le lock-out a été déclaré, les services d’une personne à l’emploi d’un autre employeur ou ceux d’un entrepreneur pour remplir les fonctions d’un salarié faisant partie de l’unité de négociation en grève ou en lock-out».

M. Masse a donc des soupçons : «Ce sont des sous-traitants qui travaillaient sur nos jobs, qui faisaient des modifications sur des équipements existants dans l’usine, ce qui est carrément des briseurs de grève, selon nous.»

M. Masse dit attendre le rapport final de la CNESST avant de décider de la suite des choses. «On attend d’avoir plus de détails dans le rapport final, mais notre intention, c’est de déposer une plainte pour l’utilisation de briseurs de grève», a-t-il confié.

Au moment d’écrire ces lignes, la direction d’Alcoa n’avait pas encore répondu à l’invitation de commenter le rapport de la CNESST et les allégations du syndicat.

ABI est propriété à 75% d’Alcoa et à 25% de Rio Tinto.

Le lock-out des 1030 travailleurs d’ABI a été décrété par la direction le 11 janvier 2018, il y a donc près de 17 mois.

Les négociations sont présentement au point mort.