L'homme qui a été arrêté après une altercation à la Grande Mosquée de Québec était « raciste », mais aussi « perdu » et « mélangé », affirme le fidèle qui a reçu un coup lors de l'incident. Il pardonne les gestes de son agresseur car, à ses yeux, il a surtout « besoin d'aide ».

Le jeune homme, un chauffeur de taxi, a accepté de présenter sa version des faits à La Presse à condition que nous ne révélions pas son identité.

Lorsqu'il s'est présenté à la mosquée, samedi, il a trouvé un autre fidèle en vive discussion avec un homme qu'il ne connaissait pas. Trois femmes et deux enfants se trouvaient tout près et avaient visiblement peur.

Lorsqu'il a demandé à l'inconnu s'il y avait un problème, celui-ci lui a répondu de façon éloquente.

« Il m'a dit : "Oui, il y a un problème. Le monsieur là, il a trois femmes." Donc, je savais que ça partait mal », a-t-il relaté.

Le ton a monté. L'homme a affirmé au chauffeur de taxi qu'il n'est « pas québécois » et il lui a demandé son passeport. Il a fouillé dans ses poches pour le trouver.

Au final, il a lancé un coup vers la tête du chauffeur. Sa casquette est tombée au sol, mais il n'a subi aucune blessure.

Le premier homme à qui l'agresseur a parlé a appelé la police après l'altercation. Le chauffeur avait quitté les lieux à l'arrivée des agents.

« Ce monsieur a vraiment besoin d'aide. Moi, je suis musulman. L'important, c'est de pardonner. Je pense que ce monsieur a juste besoin d'aide et je suis pas mal sûr qu'en portant plainte, ça ne va pas l'aider du tout. » - Le chauffeur de taxi

À ses yeux, l'incident de samedi était bien de nature criminelle. Mais bien qu'il compte collaborer à l'enquête policière, il ne souhaite pas porter plainte. Selon lui, l'incident n'a rien à voir avec la tuerie du 29 janvier 2017, lorsque six membres de la Grande Mosquée de Québec sont morts sous les balles d'Alexandre Bissonnette.

« Du monde raciste, il y en a partout à tous les jours, a-t-il dit. Dans mon taxi, je me fais traiter de mangeux de sable presque tous les jours. Si je portais plainte contre toutes les personnes qui me disent ça, on n'en finirait pas. »

Réactions politiques

L'agression a eu des échos au conseil général de la Coalition avenir Québec, qui se tenait à Montréal. François Legault l'a qualifiée d'« inacceptable ».

« Il y a des individus qui sont racistes. Il y a des individus qui ont des comportements totalement inacceptables. Je fais confiance à la police de Québec pour régler ça. » - François Legault, premier ministre du Québec

Selon lui, il n'y a « aucun rapprochement à faire » entre cet événement et le projet de loi sur la laïcité défendu par son gouvernement.

La pièce législative controversée vise à interdire le port de signes religieux aux fonctionnaires ayant un pouvoir de coercition, comme les juges et les policiers, ainsi qu'aux enseignants. Elle a provoqué des débats houleux au cours des dernières semaines.

Selon le ministre Simon Jolin-Barrette, qui parraine le projet de loi, il « n'y a pas de tension et il n'y a pas de division » au sein de la société québécoise. Selon lui, le débat politique des derniers mois n'a rien à voir avec l'agression de samedi.

« Jamais, a-t-il répondu. Ce genre de situation là n'est pas acceptable, et le projet de loi ne fait aucunement en sorte de cautionner ce genre de comportement. Ce genre de comportement, dans notre société, est répréhensible et sera toujours dénoncé par les partis politiques. »

Pas de mesures particulières

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a indiqué qu'aucune nouvelle mesure ne serait prise par les forces de l'ordre pour renforcer la sécurité autour du lieu de culte. Elle a dit faire confiance à la police de Québec qui, selon elle, porte déjà une « attention particulière » à la Grande Mosquée.

« Que ce soit du racisme ou de l'islamophobie, je pense que oui, il y a des personnes et des gestes qui parfois peuvent se dire au Québec qui sont islamophobes ou racistes, a-t-elle convenu. Mais je ne pense pas que le Québec soit islamophobe ou raciste, c'est important de le dire. »