La Presse et le chroniqueur Francis Vailles sont blanchis sur toute la ligne par la Cour supérieure concernant une poursuite en diffamation jugée « abusive » de l’avocat Jean-Pierre Desmarais. Le « but premier » de Me Desmarais était de « museler M. Vailles », conclut le juge, alors que La Presse et son journaliste ont rapporté les faits avec « exactitude et de bonne foi ».

L’avocat montréalais Jean-Pierre Desmarais a fait l’objet de nombreux reportages dans nos pages au cours des dernières années pour son rôle dans le scandale financier de la Fondation Fer de lance (FFDL).

Me Desmarais a été condamné à 18 mois de prison en 2015 pour des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières pour avoir aidé cette fondation à la mission humanitaire fictive à soutirer des sommes importantes à des investisseurs inexpérimentés. Notons qu’il a porté en appel sa condamnation dans ce dossier en Cour d’appel du Québec.

Les infractions commises par Me Desmarais étaient « extrêmement graves » et justifiaient l’imposition d’une « peine d’emprisonnement significative », avait conclu le juge Simon Ruel, en rejetant l’appel de la déclaration de culpabilité de Me Desmarais en 2017.

Jean-Pierre Desmarais poursuivait La Presse et Francis Vailles en diffamation et atteinte à la réputation pour la publication en mai et juin 2014 de deux articles portant sur son procès.

Me Desmarais avançait que Francis Vailles n’avait pas présenté une couverture « équilibrée » en se basant sur les « exagérations » de l’Autorité des marchés financiers et les « erreurs signifiantes » d’un témoin. Il reprochait également à La Presse et à M. Vailles de l’avoir présenté comme une « personne coupable » qui avait floué les investisseurs. L’avocat ne s’estime « aucunement fautif » et maintient avoir « bien accompli son mandat » auprès de la fondation.

Information « utile »

Le juge Thomas M. Davis de la Cour supérieure du Québec a rejeté en bloc les arguments de Me Desmarais dans sa décision rendue mercredi. « Les faits rapportés par M. Vailles reflètent la réalité du procès de Me Desmarais au moment où il écrit son article », soutient le juge. Le droit québécois protège un journal de poursuites judiciaires lors de la publication du compte rendu d’une séance des tribunaux pourvu que les faits soient rapportés « exactement et de bonne foi ».

L’information publiée par La Presse était « utile » et avait un « intérêt public manifeste », ajoute le juge. De plus, La Presse et son journaliste n’ont pas fait accroc à leurs normes déontologiques, conclut le tribunal.

Non seulement le juge Davis a rejeté la poursuite en diffamation, mais il a aussi conclu que l’action en justice de Me Desmarais était « abusive ». Une décision qui ouvre la porte à la réclamation de dommages de la part de La Presse et de M. Vailles.

Selon le juge, Me Desmarais aurait dû réaliser que son recours était « voué à l’échec » à la lumière des jugements portant sur sa culpabilité. La décision de première instance confirmait d’ailleurs que les articles de La Presse n’étaient pas « déformés de toute vérité, comme Me Desmarais voudrait faire croire », ajoute le juge Davis.

De plus, soutient le juge, Me Desmarais tente depuis 2012 de faire remplacer M. Vailles comme journaliste affecté à son cas. Ces démarches sont « un indice que son but premier est de museler M. Vailles », conclut le juge. Ce dernier évoque finalement « l’entêtement » de l’avocat et déplore que sa « seule vérité » soit « la sienne ».

« Me Desmarais a l’intention de porter le jugement en appel », a indiqué par courriel à La Presse l’avocate de Me Desmarais, Me Elisabeth Goodwin, du cabinet Grey Casgrain.