(Ottawa) Les agents de libération conditionnelle du Canada affirment que le système correctionnel du pays est à un point critique en raison d’une charge de travail « insurmontable » — une situation qui, selon eux, pose de réels risques pour la sécurité publique.

Un sondage mené par le Syndicat des employés de la sécurité et de la justice (SESJ) auprès des agents de libération conditionnelle a révélé que plus des deux tiers des agents craignent de ne pas pouvoir protéger correctement le public, faute de temps pour évaluer, superviser et préparer la sortie de détenus.

Le syndicat, qui représente les agents, affirme que cela signifie que de nombreux contrevenants passent dans les mailles du filet — des gens qui, dans certains cas, peuvent récidiver et faire du mal à autrui ou à eux-mêmes.

David Neufeld, vice-président national du syndicat, soutient que les problèmes découlent de compressions budgétaires sous l’ancien gouvernement conservateur, qui ont entraîné une réduction des effectifs et une augmentation de la charge de travail.

Depuis lors, les mesures prises par le gouvernement Trudeau pour offrir davantage de programmes aux délinquants autochtones et aux personnes atteintes de maladies mentales ont nécessité plus de travail, a ajouté M. Neufeld.

Le syndicat réclame plus de personnel et davantage de ressources au sein du système correctionnel afin de veiller à ce que les détenus soient correctement évalués en ce qui a trait aux risques en vue d’une libération.

Les résultats du sondage ont été inclus dans un rapport publié cette semaine par le syndicat, offrant une ventilation des préoccupations soulevées par les 1600 agents de libération conditionnelle dans le système correctionnel canadien.

Environ la moitié des agents de libération conditionnelle fédéraux travaillent dans des pénitenciers et des établissements correctionnels. Les autres travaillent avec les détenus dans la communauté après leur libération.

Les décisions prises par les agents déterminent quand et comment les détenus sont libérés et dans quels établissements de transition.

Rapport du vérificateur général

L’automne dernier, un rapport du vérificateur général fédéral révélait que le Service correctionnel du Canada n’avait pas assez de places dans les maisons de transition pour les prisonniers prêts à une réinsertion. Le rapport indique que les agents ne reçoivent souvent pas d’informations clés sur la santé des détenus lors de la préparation des plans de libération, et que les agents chargés des détenus en libération conditionnelle ne peuvent pas rencontrer les délinquants aussi souvent qu’ils le devraient.

Des commentaires d’agents dans le cadre de l’enquête soulignent des problèmes d’anxiété, de dépression et d’épuisement professionnel.

« Je suis tellement occupé à garder la tête hors de l’eau que les chances de rater quelque chose sont inévitables », affirme un agent de libération conditionnelle non identifié, cité dans le rapport.

Scott Bardsley, porte-parole du ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale, a fait valoir que des investissements importants avaient été réalisés dans le système correctionnel, totalisant près de 700 millions. Une grande partie de cet argent a été affectée à des changements de politique impliquant des soins de santé mentale élargis dans les prisons et davantage de soins de guérison et de réadaptation pour les détenus autochtones.

Un accent mis sur la réinsertion a aussi accru l’inquiétude liée aux risques pour la sécurité publique, a indiqué M. Neufeld.

« Avec le changement de gouvernement, l’accent a été mis sur la réintégration… et nous avons très bien réussi à augmenter le nombre de détenus libérés dans nos communautés, mais les ressources n’ont pas été améliorées ni augmentées dans la communauté », a-t-il fait valoir.

« Ce que nous avons vu, c’est que les agents de libération conditionnelle ont beaucoup de difficulté avec la quantité de travail entre leurs mains pour tenter de surveiller de très près ces contrevenants et veiller à […] évaluer comment se comporte cet individu dans la rue et à quel point il est sécuritaire pour eux de revenir dans nos communautés. »