(Montréal) La classe politique québécoise a eu du mal à trouver les mots justes, jeudi, pour commenter de nouvelles tuiles qui s’abattent sur l’Unité permanente anticorruption (UPAC), jadis créée pour redonner aux citoyens confiance dans leurs institutions démocratiques.

L’escouade souffre d’un moral au plus bas, de difficultés de recrutement et d’une série de fuites embarrassantes dans les médias.

La dernière en date a eu lieu jeudi : le Journal de Montréal a appris que le Directeur des poursuites criminelles et pénales est en possession de plusieurs heures de témoignage de l’ancien chef des opérations de l’UPAC. En 2018, André Boulanger aurait déclaré sous serment aux procureurs que certaines enquêtes en cours pourraient avorter, car des policiers auraient fabriqué des preuves.

Le premier ministre, François Legault, a qualifié cette information « d’inquiétante », sans s’avancer davantage — il préfère laisser les procureurs faire leur travail. La ministre de la Justice, Sonia Lebel, a elle aussi préféré laisser travailler les procureurs. « On va regarder les choses aller et s’il y a quelque chose que je peux faire, naturellement, on va être présents », a-t-elle indiqué, jeudi matin.

Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a poussé un grand soupir lorsqu’on lui a demandé de commenter les allégations, jeudi. « Il y a des matins, en politique, où on cherche les qualificatifs pour décrire une situation, a-t-il fini par dire. Le 1er octobre dernier, beaucoup de Québécois étaient contents de voir les libéraux quitter le pouvoir parce qu’ils se disaient : enfin, on va tourner la page sur la corruption au Québec. »

« De toute évidence, il reste énormément de travail à faire, et les regards aujourd’hui se tournent vers le gouvernement du Québec : c’est quoi son plan pour qu’on la tourne cette page ? », a-t-il poursuivi.

L’UPAC a été créée en 2011 par le gouvernement libéral de Jean Charest dans le but d’apaiser l’opposition et le public à la suite de troublantes révélations de corruption dans l’industrie de la construction. « Pour bien des Québécois, l’UPAC est devenue un champ de ruines, a déclaré M. Nadeau-Dubois. La question qu’on se pose ce matin, c’est : par où on commence pour reconstruire la crédibilité de l’UPAC ? »

Le gouvernement Legault a adopté mercredi le projet de loi qui modifie le processus de nomination du commissaire de l’UPAC. Au lieu d’être nommé directement par le premier ministre, ce nouveau directeur devra être confirmé par les deux tiers des députés de l’Assemblée nationale. Gabriel Nadeau-Dubois soutient que cela n’est pas suffisant : QS proposait de nommer un co-commissaire civil à la tête de l’UPAC, afin d’y « casser les guerres de cliques ». Le Parti québécois suggérait même que l’UPAC soit dirigée par un commissaire civil.

Robert Lafrenière a été le premier et unique commissaire de l’UPAC. Il avait été nommé par Jean Charest et confirmé pour un second mandat par Philippe Couillard. M. Lafrenière a démissionné sans explication le 1er octobre dernier — le jour même des élections au Québec. C’est un ancien officier de la Sûreté du Québec, Frédéric Gaudreau, qui occupe la fonction de directeur intérimaire, jusqu’à la nomination d’un nouveau commissaire.

Christine St-Pierre, porte-parole de l’opposition en matière de sécurité publique, a déclaré que les informations du Journal de Montréal étaient « très troublantes, très choquantes ».

« On parle de fabrications de preuves, donc des réputations qui sont entachées », a estimé Mme St-Pierre, qui croit que M. Lafrenière devrait être appelé à témoigner à l’Assemblée nationale.

Jean Pascal Boucher, porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et pénales, a déclaré jeudi que la Couronne « ne peut ni confirmer ni infirmer » l’article du Journal de Montréal.