Problèmes d’eau potable, infestation de mouches, fouilles à nu abusives : 28 détenues de l’établissement Leclerc, à Laval, font front commun et viennent chacune d’envoyer une mise en demeure au ministère québécois de la Sécurité publique, lui enjoignant de corriger la situation.

« Les détenues ne peuvent pas consommer l’eau avant de la faire bouillir, selon les instructions écrites sur les murs », est-il écrit dans la mise en demeure.

Les dégâts d’eau seraient aussi fréquents. Les détenues, peut-on lire, doivent utiliser « leurs propres serviettes afin d’éviter que l’eau s’étale sur le sol ».

Le 24 avril, est-il aussi allégué, les agents ont procédé à une fouille à nu de toutes les détenues d’un secteur, et ce, à deux reprises dans la journée.

C’est Louise Henry, une prévenue qui vient de retrouver sa liberté d’ici à son procès pour fraude, qui mène la fronde. 

Mme Henry était déjà montée au front en janvier. Elles sont maintenant 28 à dénoncer la situation.

L’établissement Leclerc a été ouvert en 1961. Jusqu’en 2013, il était un pénitencier fédéral à sécurité moyenne. Depuis qu’il a été repris par Québec – pour servir de centre de détention d’abord pour hommes, puis pour femmes –, MMélanie Martel, qui représente les 28 détenues, dit que c’est du pareil au même. « Il y a quelques années, les hommes se plaignaient qu’en raison de problèmes de chauffage, ils gelaient et dormaient avec leurs tuques et leurs vêtements d’hiver. Les femmes me disent la même chose. »

Ève-Marie Lacasse, coordonnatrice à la Ligue des droits et libertés, signale que cela fait trois ans que son organisme réclame qu’une équipe d’experts indépendants soit autorisée à aller sur place pour vérifier l’état des lieux, ce qui leur est refusé. « Pourquoi ce refus obstiné s’il y a eu tant d’améliorations, comme le prétendent les autorités ? »

Mme Lacasse relève que les femmes qui sont là ne devraient même pas y être. « Une majorité d’entre elles ne sont pas condamnées. Ce sont des prévenues, en attente de procès, qui sont souvent détenues parce que personne dans leur entourage n’a voulu payer une caution. »

La réponse du gouvernement

Le ministère de la Sécurité publique confirme à La Presse avoir reçu les 28 mises en demeure. Interrogé sur les réparations faites ces dernières années, le Ministère nous en a dressé une liste, qui touche aussi bien les aspects sécuritaires que la plomberie, le chauffage et la ventilation.

De façon générale, le ministère de la Sécurité publique se dit « déterminé à poursuivre ses efforts pour continuer à améliorer la situation des femmes séjournant à l’Établissement Leclerc de Laval et pour apporter des correctifs le cas échéant ».

Le Ministère confirme que des visites ont été annulées aux parloirs ces derniers temps « pour pallier les situations de forts taux d’absentéisme », mais ajoute que lorsque cela arrive, des solutions de rechange sont mises en place pour que les détenues aient accès à leur avocat.

Une mission d’observation a bien été refusée en 2016 à des représentants, entre autres, de la Ligue des droits et libertés. Les journalistes ne sont pas davantage autorisés à aller visiter l’endroit, pour des raisons « de sécurité, opérationnelles et de confidentialité ».

Les représentants du Protecteur du citoyen sont néanmoins « autorisés d’office à visiter un établissement de détention ou une personne incarcérée », conclut le courriel envoyé par le ministère de la Sécurité publique.