La police de Laval a arrêté un pédophile violent qui a profité de son transfert en maison de transition pour tenter d’acheter les services sexuels d’une enfant de 12 ans à travers les petites annonces de services d’escortes. C’est le pire cas que les enquêteurs ont mis à jour depuis qu’ils traquent les clients de la prostitution juvénile sur leur territoire.

Ce n’était pas une enquête comme les autres.

Depuis 2016, dans le cadre d’un projet baptisé Opération Défensif, la police de Laval fait la chasse aux « abuseurs » qui recherchent les services sexuels de mineures contre rémunération. Des enquêteurs infiltrent le milieu des annonces de services sexuels et arrêtent les hommes qui recherchent spécifiquement des adolescentes. Ils en ont attrapés une trentaine en trois ans, des hommes âgés entre 18 et 72 ans, qui souvent en sont à leur première offense.

Mais en mars dernier, au beau milieu d’une de ces opérations d’infiltration, les policiers sont tombés sur un cas à glacer le sang. L’homme écumait les annonces et disait vouloir payer pour une relation sexuelle avec une enfant de 12 ans. Il était prudent, prenait des précautions, se cachait derrière un numéro de téléphone masqué et un abonnement cellulaire qui n’était pas à son nom.

Sa demande a provoqué un branle-bas de combat généralisé.  

Course contre la montre

« Il réclame spécifiquement une enfant ! Mes enquêteurs ont tous laissé tomber leur crayon. Je n’ai pas eu besoin de motiver personne. Il y a eu une grande mobilisation et ils se sont mis à tout faire pour trouver qui il était », raconte l’assistant directeur Dany Gagnon, responsable des enquêtes criminelles à la police de Laval. 

PHOTO FOURNIE PAR LA POLICE DE LAVAL

Dany Gagnon, responsable des enquêtes criminelles à la police de Laval.

« C’est le cas le plus préoccupant qu’on a vu », en matière de prostitution juvénile à Laval, croit M. Gagnon.

Les policiers se sont lancés dans une course contre la montre pour identifier le prédateur avant qu’il ne fasse une victime. Mais il ne suffisait pas de l’identifier. Il fallait amasser une preuve solide pour pouvoir le mettre hors d’état de nuire. 

« Il fallait prouver qui était derrière les appareils. Il a fallu tisser une toile. Presque toutes nos techniques d’enquête ont été utilisées, des équipes de surveillance ont été déployées et des spécialistes en extraction informatique ont inspecté ses appareils. C’était un service cinq étoiles », explique le gestionnaire en référence aux efforts déployés par ses troupes.

Lourd passé

Le suspect a finalement été identifié comme étant Michel Fradette, un pédophile violent tout juste sorti de prison qui habitait en maison de transition de Laval, près du boulevard Industriel.

L’homme, qui célèbrera son 40e anniversaire dans trois jours, est toujours sous le coup d’une ordonnance de surveillance de longue durée parce qu’il a été classé délinquant dangereux après une série de crimes sordides envers des enfants et des adolescents au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

En 2007, il avait été condamné à dix ans de prison pour agressions sexuelles, voies de fait, enlèvement, séquestration, agression armée, leurre d’enfant et plusieurs autres infractions. Il s’était notamment introduit dans un appartement par la fenêtre pour y kidnapper une fillette de neuf ans et l’agresser sexuellement. Il ne connaissait l’enfant ni d’Ève ni d’Adam, mais l’avait épiée au préalable dans le quartier pour préparer son coup.

Cinq autres victimes s’étaient manifestées après son arrestation, soit des jeunes filles âgées entre 12 et 18 ans. Elles avaient subi divers sévices sexuels de sa part, certaines étant par ailleurs battues à coup de ceinture, de couteau ou de bâton de baseball.

Les experts qui l’ont évalué ont constaté qu’il était pédophile, éphébophile (attirance pour des adolescentes prépubères) et qu’il avait un « extrême problème de pulsions sexuelles » avec un penchant sadique, selon la dernière décision rendue à son sujet par la Commission des libérations conditionnelles. À son procès, le guide utilisé pour évaluer les délinquants sexuels lui accordait un risque de récidive de 45 % au cours des sept prochaines années. Le Commission estimait de son côté ce risque à 50 % pour les trois années suivant sa remise en liberté.

Déjouer la surveillance

Fradette a été libéré au terme de sa peine, en août 2017, mais il est demeuré astreint à de sévères conditions à titre de délinquant dangereux. Il a d’ailleurs été retourné derrière les barreaux pour cinq mois le 22 octobre dernier parce qu’il avait accédé à l'internet alors que cela lui était strictement interdit.

En janvier, il avait eu l’autorisation d’aller vivre dans la maison de transition. Sa nouvelle sentence de cinq mois pour bris de condition prenait fin le 22 mars, mais il devait continuer de vivre à la maison de transition pour un an, sous étroite surveillance, en raison du danger particulier qu’il représentait pour la société.

Une surveillance qu’il a réussi à déjouer. Les policiers qui l’ont arrêté à la fin mars ont constaté qu’il possédait un téléphone cellulaire même si cela lui était interdit. Dans le téléphone, des milliers de photos et vidéos de pornographie juvénile. 

« Il y a différents niveaux de pornographie juvénile, et dans ce cas-ci, ce sont vraiment des agressions sexuelles de jeunes enfants », déplore l’assistant directeur Gagnon.

Fradette a été ramené en détention et fait maintenant face à une kyrielle de nouvelles accusations qui pourraient le renvoyer à l’ombre pour très longtemps. 

« Il est tombé dans le filet. C’est une grande source de motivation. Nos policiers ont le sentiment que leur intervention a permis de sauver des enfants », dit M. Gagnon.

Le projet Défensif en bref

•Lancé en 2016 après la crise des fugues au Centre jeunesse de Laval. Plusieurs fugueuses avaient été happées par le monde de la prostitution juvénile.

•28 arrestations d’abuseurs depuis le lancement, 15 au cours des 12 derniers mois.

•7 accusés condamnés à des peines de six mois de prison (les procédures sont toujours en cours pour les autres).

PHOTO FOURNIE PAR LA POLICE DE LAVAL

Oktay Guzel

•Un accusé recherché après s’être éclipsé avant le procès : Oktay Guzel, 53 ans

•En parallèle, diminution des fugues à Laval, de 700 dossiers en 2015 à 300 en 2018.