Deux ans après l’éclatement d’une crise majeure ayant mené à la création d’une équipe d’enquête sur la division des affaires internes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), la désignation d’un administrateur provisoire à sa tête durant un an et la nomination d’un chef de l’extérieur, les choses se replacent tranquillement au SPVM.

Lundi, le directeur, Sylvain Caron, un ancien de la police de Sorel-Tracy et de la Sûreté du Québec, s’est entouré de deux nouveaux directeurs adjoints issus des rangs du SPVM : Sophie Roy, nouvelle responsable de la gendarmerie, et Marc Charbonneau, patron de la direction des services corporatifs.

La première, qui compte 31 ans de service, dit vouloir contribuer à la transition, alors que le second, qui a 21 ans d’ancienneté, représente vraisemblablement la relève.

Sophie Roy a vécu de près la crise des allégations qui ont secoué les affaires internes du SPVM depuis la fin de l’hiver 2017.

Elle a fait un séjour à deux reprises dans ce service controversé ; la première fois, à titre d’inspecteur-chef. Me Michel Bouchard, dont le rapport dévastateur avait mené à la nomination de Martin Prud’homme à la tête du SPVM en décembre 2017, avait souligné que la policière d’expérience avait dénoncé des pressions exercées par un supérieur durant une enquête de l’équipe mixte responsable d’examiner ce qui ne tournait pas rond au SPVM.

Ce n’est pas un hasard si, peu de temps après son arrivée, Martin Prud’homme a nommé Mme Roy patronne des affaires internes au début de 2018 – le deuxième séjour de la policière dans ce service.

Des pas de géant

« Aux affaires internes, notre mantra, c’est : “Plus jamais” », a-t-elle lancé en réponse à une question posée par La Presse.

La policière explique qu’après la crise, le SPVM a observé ce qui se faisait dans les autres corps de police ailleurs au Canada et au Québec.

Maintenant, au SPVM, lorsqu’une plainte est acheminée aux affaires internes, elle passe par un canal unique et aboutit dans une boîte courriel à laquelle cinq personnes ont accès. « Si quelqu’un voulait faire disparaître la plainte, c’est impossible, car il y a quatre autres personnes », dit-elle.

Par la suite, la plainte et les décisions sont traitées « à l’aveugle », c’est-à-dire que le nom de la personne concernée n’est pas divulgué. Le traitement est effectué, et la décision prise par un comité composé d’employés des affaires internes, cadres et syndiqués, d’employés des relations de travail, des ressources humaines et même du contentieux.

« On a fait des pas de géant aux affaires internes. On a mis des choses en place qui viennent assurer l’indépendance et la transparence de cette unité-là. » — Sophie Roy, directrice adjointe du SPVM responsable de la gendarmerie

L’équipe mixte – chapeautée par la Sûreté du Québec – qui enquête sur les allégations au SPVM n’a toujours pas terminé ses investigations. Pour le moment, c’est toujours elle qui enquêterait sur d’éventuelles allégations criminelles impliquant un policier de la Ville de Montréal, alors que le SPVM enquête sur les allégations non criminelles et disciplinaires.

Comme Martin Prud’homme l’avait déjà déclaré à La Presse durant son administration provisoire, la directrice adjointe Sophie Roy ne s’oppose pas à ce que les enquêtes criminelles sur des policiers soient confiées dans le futur au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) ou à une équipe mixte permanente.

« Je pense qu’il y aurait une réflexion à avoir et qu’il y a de bons côtés. En allant vers une équipe mixte, on peut éliminer les perceptions sauf qu’il y a aussi des côtés moins favorables. On connaît moins bien l’organisation, les politiques en vigueur, les modes de fonctionnement, donc, pour faire une enquête, ça prend plus de travail. Quant au BEI, il fait déjà toutes les enquêtes indépendantes. Donc, si une enquête indépendante découle sur une enquête criminelle, on se retrouve avec les mêmes enquêteurs, et il pourrait y avoir une apparence de proximité », nuance-t-elle toutefois.

« En un an, il y a eu des changements marquants, pas seulement aux affaires internes ou dans le processus de promotion, sur plein d’autres aspects », renchérit son collègue, Marc Charbonneau.

« La crise est derrière nous, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas rester vigilants et qu’il n’y a pas des choses que l’on doit continuer à améliorer. Nos processus ne sont pas encore terminés », ajoute le nouveau directeur adjoint.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse

Sophie Roy

– Elle a étudié la criminologie, avant de devenir policière en 1988.

– Elle a été patrouilleuse dans plusieurs quartiers de Montréal jusqu’en 2001.

– Elle se souvient notamment qu’à la fin des années 90, son partenaire Denis Nadeau et elle sont intervenus pour sauver la vie de deux travailleurs victimes d’une explosion dans une raffinerie de l’est de Montréal.  « Je faisais un massage cardiaque à l’un d’eux. Je voyais son alliance, je savais que quelqu’un l’attendait à la maison, mais nous n’avons pu le sauver », raconte-t-elle, encore avec émotion.

– En décembre 2009, elle se rend sur les lieux de l’écrasement de l’hélicoptère de TVA, dans lequel le journaliste Réjean Léveillé et le pilote Antoine Léger ont été blessés.

– Au printemps 2010, elle devient commandante au poste de quartier 39, dans Montréal-Nord, un an et demi après l’affaire Villanueva.

– Ces derniers jours, elle s’est rendue à trois reprises dans le secteur de Pierrefonds, pour rencontrer les sinistrés des inondations.

Marc Charbonneau

– Il a étudié l’éducation physique et a enseigné les mathématiques. Il souhaitait devenir enseignant, mais les possibilités étaient minces à la fin des années 90.

– Il ressent sa vocation sur le tard : il devient policier au SPVM en 1998.

– Il est patrouilleur dans les secteurs de Verdun et du centre-ville. Il devient sergent dans le quartier Côte-des-Neiges et superviseur dans l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. Il a notamment été commandant au poste de quartier 30, dans Saint-Michel. « De toutes mes années de patrouille, ce que je retiens particulièrement, c’est la fraternité et les fortes amitiés que j’ai pu développer avec les policiers et les partenaires, le rapprochement avec la communauté », dit-il.

– En janvier 2016, Marc Charbonneau est devenu patron de la planification opérationnelle, dont le mandat est notamment de gérer les services d’ordre. En 2017, ses employés et lui se sont concentrés jusqu’à 15 jours consécutifs sur les inondations.

– « Avant les manifestations étudiantes de 2012, nous avions 700 évènements par année pour lesquels nous devions assurer un service d’ordre. Le chiffre est passé à 1400 en 2012 et, aujourd’hui, on parle de 1800 évènements par année », décrit M. Charbonneau.