Un individu accusé d’avoir importé des centaines de kilogrammes de cocaïne au tournant des années 2010, et qui est actuellement détenu au trou en attendant de subir son procès, s’adresse à la Cour supérieure pour retourner parmi la population générale du pénitencier où il est actuellement détenu.

Outre un chef d’importation de cocaïne, Rabih Alkhalil, 31 ans, est accusé de gangstérisme, de complot, de trafic de drogue et de trafic de biens criminellement obtenus. Selon la police, il était l’une des six têtes dirigeantes d’un consortium qui a tenté d’accaparer le monopole de la distribution de cocaïne au Canada, dans la violence, au début des années 2000. Ce consortium a été démantelé à l’issue d’une enquête de la Sûreté du Québec baptisée Loquace en novembre 2012.

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Rabih Alkhalil

D’après les autorités, Alkhalil et son groupe, appelé les Wolfpack, étaient, à cette époque, impliqués dans une guerre sanglante avec un autre groupe criminel dans l’Ouest canadien.

Il y a deux ans, Alkhalil a été reconnu coupable de meurtre et de tentative de meurtre à Toronto, et il purge déjà une peine de pénitencier à vie.

Une patinoire de 12 sur 8

Depuis le 18 juin 2018, Alkhalil est détenu au Centre régional de réception à Sainte-Anne-des-Plaines, en raison de la tenue prochaine de son procès au Québec.

Mais le 24 janvier dernier, un téléphone cellulaire et un tournevis ont été découverts dans sa cellule. Il a aussitôt été envoyé au trou, où il se trouve toujours aujourd’hui.

Dans une requête présentée en Cour supérieure, Alkhalil écrit rester dans une partie vétuste et sale du pénitencier. Il n’a accès qu’à une cour de 12 mètres sur 8 mètres qui est entourée de hauts murs qui l’empêchent de voir les rayons du soleil et qui a été couverte de glace l’hiver dernier. Il se plaint de ne pouvoir s’entraîner et travailler au pénitencier. 

Il dénonce le fait d’être constamment menotté, les mains dans le dos, et d’avoir un accès limité aux téléphones, alors qu’il doit régulièrement parler à ses avocats pour préparer ses dossiers judiciaires.

Selon la requête, les Services correctionnels ont placé Alkhalil au trou en raison du matériel de contrebande saisi dans sa cellule, de son appartenance à un groupe criminel, des risques d’évasion et de menaces dont il ferait l’objet de la part d’autres organisations criminelles.

Il ne peut être envoyé dans un autre pénitencier en raison des menaces contre lui, du fait qu’il ne peut côtoyer d’autres coaccusés et parce qu’une juge de la Cour du Québec a ordonné récemment qu’il soit détenu près du lieu de son procès.

Dans sa requête, Alkhalil demande aux Services correctionnels de révéler les informations à l’origine de chacune de leurs préoccupations et argue que ses conditions de détention briment ses droits.

Puisque son procès, qui doit commencer à la fin du mois, aura lieu au Centre de services judiciaires Gouin, Alkhalil sera bientôt envoyé au Centre de détention de Montréal (Bordeaux), qui est relié au petit palais de justice par un tunnel.

Alkhalil veut s’assurer qu’il ne sera pas placé en ségrégation lorsqu’il arrivera à Bordeaux.

Fait à noter, dans sa requête, il fait valoir que le fait qu’un téléphone cellulaire ait été découvert dans sa cellule n’est pas une raison pour l’envoyer au trou. Il cite un agent correctionnel qui a témoigné en 2016 qu’entre 80 et 200 téléphones cellulaires sont trouvés chaque année au Centre de détention Rivière-des-Prairies. Il allègue que les détenus auxquels appartenaient ces appareils n’ont pas systématiquement été envoyés en ségrégation.

Menaces et cavale

Le jour de l’opération Loquace, le 2 novembre 2012, Alkhalil n’était plus au Canada. Il a été arrêté en Grèce trois mois plus tard. Après l’arrestation de l’ex-enquêteur Benoit Roberge pour avoir vendu des renseignements à un Hells Angel en octobre 2013, des informations avaient circulé à l’effet que c’est en raison d’informations coulées par l’ancien expert des motards que quatre des six têtes dirigeantes du consortium ciblées dans le projet Loquace avaient pris la fuite avant la frappe.

Or, dans sa requête, Alkhalil prétend avoir fui bien avant qu’un mandat d’arrestation soit lancé contre lui. Il écrit avoir quitté le pays parce que des policiers l’ont avisé que sa vie était en danger.

La cause d’Alkhalil devant la Cour supérieure devra être entendue rapidement puisque les requêtes préliminaires doivent être débattues à compter du 30 avril. Cinq semaines de procès sont actuellement prévues en avril et juillet.

Alkhalil doit subir un autre procès, qui doit durer un an, à Vancouver à compter de septembre prochain.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.